Le droit de grève, en France, est garanti par la Constitution. Les lois françaises restent cependant muettes quant à l’organisation et la mise en place de cette prérogative. Les règles ont donc été érigées par les juges.
Dans cet article, LegalVision vous présente les conditions de mise en oeuvre du droit de grève, la procédure à suivre pour déclencher ce mouvement collectif et enfin sur ses conséquences.
Sommaire
Droit de grève : les conditions de mise en oeuvre
Droit de grève : la procédure
Droit de grève : les conséquences
L’interdiction du lock-out
Droit de grève : les conditions de mise en oeuvre
Tous les salariés d’une entreprise peuvent exercer leur droit de grève. Ainsi, ont cette prérogative : les salariés en CDD, en CDI, à temps partiel ou à temps complet. Les apprentis bénéficient également de ce droit…
Pour qu’un mouvement qualifié de grève soit reconnu juridiquement, il faut nécessairement qu’il réponde à plusieurs critères qui ont été dégagés par la jurisprudence. Plus précisément, il doit y avoir :
- une cessation collective et concertée du travail,
- en vue d’appuyer des revendications professionnelles.
Ce ne sera que lorsque toutes ces conditions cumulatives seront réunies que les salariés faisant grève bénéficieront d’une réelle protection prévue à l’article L.2511-1 du Code du travail.
Droit de grève : cessation collective et concertée du travail
Pour que le droit de grève soit matérialisé, il faut que la cessation du travail réponde à deux caractéristiques. La cessation de travail doit être collective et concertée. Autrement dit, il faut qu’au moins deux salariés exercent simultanément et collectivement leur droit de faire grève afin que l’arrêt de travail soit caractérisé de collectif.
Il y a tout de même des exceptions à cette règle. Ce mouvement peut être individuel lorsque :
- le salarié est la seule personne qui travaille au sein de l’entreprise,
- ou s’il participe à une grève nationale.
Ensuite, une cessation collective du travail ne veut pas pour autant dire une interruption du travail par la totalité des salariés. Les grèves minoritaires revêtent un caractère collectif et sont donc autorisées.
Droit de grève : cessation complète du travail
Le mouvement ne peut être licite lorsqu’il n’y a pas un arrêt total du travail. La durée de cette cessation importe peu. Celle-ci peut alors être plus ou moins longue. La Haute juridiction a considéré qu’étaient admis les arrêts de travail qui se répétaient et qui étaient d’une courte durée et ce, même s’ils étaient préjudiciables pour la production. Elle a retenu la même solution pour les grèves tournantes.
C’est le caractère franc de la cessation du travail qui permet de faire une distinction entre les mouvements qui peuvent entrer dans le champ d’application de la protection prévue à l’article L.2511-1 du Code du travail de ceux qui peuvent être sanctionnés pénalement.
Ainsi, ne seront pas légales les grèves perlées, dans lesquelles les salariés ralentissent uniquement leur rythme de travail sans pour autant le cesser totalement. Il en sera de même lorsque les salariés limiteront leur travail à une seule et unique obligation figurant dans leur contrat ou bien encore l’exécuteront défectueusement de manière volontaire. Les grèves d’autosatisfaction et de zèle ne seront également pas autorisées. En effet, elles ne consistent pas non plus en un arrêt total de travail.
Présence de revendications professionnelles
Pour être régulière, la grève doit s’appuyer sur des revendications professionnelles collectives. Elles seront qualifiées d’illicites si celles-ci :
- ne sont pas de nature professionnelle,
- et ne portent pas sur les droits qui intéressent directement les salariés.
Ont, par exemple, le caractère professionnel les revendications tenant :
- aux salaires,
- à l’amélioration des conditions de travail,
- aux heures supplémentaires,
- ou encore à la contestation d’un plan de restructuration.
Droit de grève : procédure
Le mouvement collectif, dans le secteur privé, peut être déclenché à tout moment. Contrairement au service public, il n’y a aucun préavis.
Il n’est pas obligatoire que les revendications des salariés soient présentées à l’employeur avant le déclenchement du mouvement collectif. Toutefois, elles doivent lui avoir été présentées au moins au moment où celui-ci débute.
Elles peuvent être portées à la connaissance de l’employeur par les salariés grévistes, par une « union syndicale ayant préalablement arrêté avec des salariés de l’entreprise la liste des revendications », par tract syndical ou bien encore par l’inspecteur du travail.
Droit de grève : les conséquences
Effets de la grève sur le contrat de travail des salariés grévistes
Exercice du droit de grève et conséquences financières
La première conséquence sera d’ordre financière. En effet, une retenue sur salaire sera opérée au prorata de la durée de la cessation de l’activité. Celle-ci doit impérativement être proportionnelle pour ne pas entrer dans le champ des sanctions pécuniaires.
De la même façon, l’exercice du droit de grève peut avoir des répercussions sur certaines primes. Notamment celles subordonnées à une condition de présence au sein de l’entreprise. Par exemple, une prime d’assiduité peut être réduite pour fait de grève. Mais pour que cela soit possible, il est primordial que « toute absence qu’elle qu’en soit la cause entraîne les mêmes conséquences « .
Exercice du droit de grève et congés payés
D’abord, les jours de grève ne correspondent pas à la définition du travail effectif. Ainsi :
- ils ne sont pas pris en considération pour calculer la durée des congés payés,
- de surcroît, ils ne sont pas indemnisés lorsqu’ils sont exercés pendant un jour de repos rémunéré.
Exercice du droit de grève et maladie
Ensuite, l’indemnisation pour une absence maladie d’un salarié gréviste va dépendre du moment où il a pris part à la grève. De ce fait si le salarié :
- est déjà en arrêt maladie avant ou au moment du déclenchement de la grève : il percevra une indemnisation totale ;
- tombe malade après le déclenchement du mouvement : l’indemnisation sera partielle.
Exercice du droit de grève et récupération des heures
En dernier lieu, s’il s’agit d’une grève interne, les heures perdues ne pourront être récupérées sauf si un accord de fin de grève le prévoit.
Exercice du droit de grève et ancienneté
L’ancienneté qui a été acquise par un salarié avant sa participation à un mouvement collectif n’est pas modifiée. En outre, le fait d’avoir concouru à la grève n’a pas d’incidence sur le droit à l’avancement.
Paralysie du pouvoir de l’employeur
L’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération et d’avantages sociaux. Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.
Faute lourde
Un salarié gréviste ne peut être licencié ou sanctionné, en raison d’un fait commis à l’occasion de la grève à laquelle il participe, que si ce fait est constitutif d’une faute lourde.
La faute lourde, ici, peut prendre plusieurs formes comme :
- des violences menées contre les salariés non-grévistes,
- une entrave à la liberté du travail,
- ou encore un acte de séquestration…
Lorsque la mesure de licenciement concerne un salarié protégé, alors l’employeur devra obtenir l’accord de l’inspection du travail.
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Tous les licenciements qui sont prononcés sans que le salarié n’ait commis de faute lourde sont nuls. Dans cette situation, le salarié peut :
- demander sa réintégration,
- ainsi qu’une indemnité dont le montant correspond à la rémunération que celui-ci aurait dû percevoir entre son éviction et le moment où il a été réintégré,
- à défaut de réintégration, il a la possibilité de réclamer une indemnité laquelle ne peut être inférieure à la rémunération perçue au cours des 6 derniers mois précédant la mesure de licenciement.
Si vous souhaitez en connaître plus sur le fonctionnement de la procédure disciplinaire, n’hésitez pas à lire notre article dédié.
Exercice du droit de grève alors que toutes les conditions pour qu’elle soit licite ne sont pas remplies
Lorsque le mouvement collectif auquel participe les salariés ne répond pas à l’ensemble des conditions présentées dans la première partie de cette article, alors ils pourront faire l’objet d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
Responsabilité civile
Pour que la responsabilité civile d’un salarié gréviste soit engagée, doivent être établis :
- le rôle actif et l’intention du salarié dans la réalisation des actes illicites au moment de la grève,
- ainsi que le lien de causalité entre la faute et le dommage,
- de surcroît, elle ne peut être engagée qu’en présence d’une faute lourde.
Lorsque tous ces éléments sont réunis, l’employeur est fondé a demander le versement de dommages et intérêts.
Enfin, il est fréquent que la faute lourde soit aussi une infraction pénale (entrave à la liberté du travail, acte de séquestration…).
L’interdiction du lock-out
Lors d’une grève, l’employeur peut décider de fermer temporairement son entreprise.
Le lock-out est en principe interdit. L’employeur doit fournir du travail aux non-grévistes et les rémunérer.
Le lock-out préventif, qui intervient avant la survenance du mouvement collectif, est également prohibé. Il empêche en effet les salariés d’exercer leur droit de grève. Les salariés qui ont été entravés dans l’exercice de leur droit peuvent demander à être indemnisés.
Il est possible de fermer une entreprise dans certaines situations. Un employeur est dégagé de son obligation de fournir un travail à ses salariés en présence d’une situation contraignante qui n’est pas imputable à l’employeur qui rend impossible la fourniture de travail aux non grévistes. Par exemple, nous serons en présence d’une situation contraignante lorsque le fonctionnement d’une entreprise est bloqué dans son intégralité ou encore lorsque la sécurité des salariés, des usagers ou des installations ne peut plus être assurée.
Désormais, vous connaissez tout sur l’exercice du droit de grève et ses conséquences ! Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à nous contacter !
Sources
Articles :
- L.1132-1 à L.1132-4 du Code du travail relatifs au principe de non-discrimination en cas d’exercice du droit de grève ;
- L.2511-1 du Code du travail relatif aux conséquences de l’exercice du droit de grève.