Est-ce la fin de l’obligation de passer un marché public pour contracter avec un avocat ? La secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Économie et des Finances Delphine Gény-Stephann a annoncé que bientôt il sera permis de recourir « librement à un avocat lors d’une procédure juridictionnelle sans passer par un marché public ».
Cette réforme répond à une demande du Conseil national des Barreaux. Ce dernier aurait même souhaité aller plus loin. Selon le CNB « c’est un arbitrage favorable ». Ce dernier reste toujours mobilisé « pour que l’exclusion des marchés publics soit étendue à l’ensemble des prestations juridiques susceptibles d’être confiées à des avocats ».
De nombreux avocats sont contre la passation d’appels d’offres pour leurs services. Ces procédures aggravent la concurrence et peuvent présenter des lourdeurs. De plus, ils entraînent une baisse des honoraires même si le droit de la commande publique permet de rejeter les offres anormalement basses. Le recours aux marchés publics est enfin difficilement compatible avec l’intuitu personæ entre un avocat et son client ou encore avec le principe de confidentialité.
Sommaire :
Des marchés publics confiés aux avocats déjà dérogatoires
Le monopole des avocats protégés au sein des marchés publics
Des marchés publics confiés aux avocats déjà dérogatoires
Si cette réforme devait être confirmée, il s’agirait d’une importante évolution du droit de la commande publique appliqué aux avocats. Ce dernier est déjà fortement dérogatoire. Son particularisme permet de le concilier avec la déontologie des avocats. En effet, si des avocats spécialisés en droit des marchés publics interviennent classiquement en matière de marchés publics, les avocats agissent également en tant que soumissionnaires pour leur propre compte. En effet, les avocats sont habilités à répondre pour eux-mêmes aux consultations passés par des pouvoirs adjudicateurs pour leurs besoins juridiques.
Une partie des prestations juridiques leur est à cet égard réservée en application de la loi 31 décembre 1971. C’est ainsi le cas des consultations juridiques ou de la rédaction d’actes sous seing privé. Ils ne peuvent être effectués à titre habituel que par les professionnels mentionnés à l’article 54 du 31 décembre 1971.
Le droit de la commande publique, aujourd’hui régi par l’Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics a adapté les contraintes de la commande publique au métier d’avocats et notamment leurs règles déontologiques. Il convient à la fois de faire respecter les principes de libre concurrence, de transparence et d’égalité entre les candidats, sans méconnaître les règles déontologiques (secret, libre choix, confidentialité, compétence du bâtonnier pour la contestation des honoraires…).
Les marchés publics relatifs à certains services juridiques et relevant de l’article 28 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics sont passés et conclus sous la forme d’une procédure adaptée (MAPA). Les marchés publics de services juridiques de représentation légale ou de consultation juridique liés à une procédure contentieuse qui doivent être confiés à un avocat sont, quant à eux, en application de l’article 29 du décret, soumis à une procédure qui laisse encore davantage de liberté à l’acheteur.
Le monopole des avocats protégés au sein des marchés publics
En tout état de cause, la réponse à la consultation doit veiller à ne pas enfreindre le monopole des avocats et des autres professions juridiques réglementées.
Le Conseil d’Etat l’a ainsi encore récemment jugé s’agissant de marché publics ne comportant pas exclusivement des prestations juridiques mais où la présence d’un avocat était requise pour les prestations juridiques.
Plus précisément, un avocat ne peut pas postuler à un marché public en tant que sous traitant ou comme membre d’un groupement solidaire. Il ne peut être candidat que comme membre d’un groupement conjoint, avec une répartition des prestations permettant de distinguer et de lui confier les prestations juridiques.