Droit à la déconnexion : comment ça marche ?

Face à l’importance croissante des outils de communication numérique dans le travail, la frontière entre vie privée et vie professionnelle est de plus en plus ténue. De plus, nombre de professions en lien avec les outils informatiques, comme influenceur sur Internet ou consultant en référencement, sont en plein essor. Pour répondre à ces problématiques, la loi du 8 août 2016 (« Loi Travail ») a introduit dans le Code du travail le droit à la déconnexion.

Qu’est-ce que le droit à la déconnexion ? Quelle différence entre accord et charte sur le droit à la déconnexion ? Comment le droit à la déconnexion est mis en oeuvre ? LegalVision répond à vos interrogations. Vous pouvez également nous contacter à ce sujet.

Sommaire :

Droit à la déconnexion : définition
Le droit à la déconnexion dans les négociations obligatoires d’entreprise
Le droit à la déconnexion dans les conventions de forfait
Comment garantir le droit à la déconnexion ?

 

Droit à la déconnexion : définition

Le droit à la déconnexion est le droit du salarié à ne pas répondre aux sollicitations professionnelles (appels, messages, emails, etc.) et de ne pas être connecté aux outils numériques professionnels en dehors de son temps de travail. Il n’existe pas de définition légale du droit à la déconnexion numérique.

Les prémices du droit à la déconnexion existent depuis longtemps en droit français.

Droit à la déconnexion et repos

Chaque salarié a droit à un repos quotidien minimal de 11 heures consécutives. De plus, il a droit à un repos hebdomadaire minimal de 24 heures consécutives. Les temps de congé sont aussi des temps de repos. Durant son temps de repos, le salarié n’est pas à la disposition de l’employeur. Les salariés sont également soumis à une durée quotidienne et hebdomadaire maximale de travail.

Les infractions aux temps de repos et de congé peuvent justifier une amende pour l’employeur. Par ailleurs, un licenciement pour faute grave ne peut pas être fondé sur l’absence de réponse à des appels ou emails pendant le temps de repos.

Par conséquent, l’envoi d’emails hors du temps de travail est fréquemment utilisé dans les contentieux. L’absence d’encadrement de l’utilisation des outils numériques dans l’entreprise accroît ce risque.

Droit à la déconnexion et santé du salarié

L’employeur a l’obligation légale de veiller à la santé et la sécurité mentale et physique de ses salariés. Ainsi, tout employeur doit élaborer une évaluation des risques professionnels dans son entreprise. Des actions de prévention doivent être prises pour empêcher ou limiter la survenance de ces risques.

La connexion constante aux outils informatiques est une source commune de stress. Elle peut être identifiée comme risque pour la santé des salariés.

Droit à la déconnexion et droit à la vie privée et familiale

Le droit à la déconnexion a aussi émergé pour permettre effectivement d’avoir une vie privée et familiale. Par exemple, en matière de télétravail, l’employeur doit déterminer en amont les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement contacter les télétravailleurs.

Cependant, l’arsenal juridique existant ne garantissait pas un respect effectif du droit à la déconnexion. La loi Travail a alors introduit le droit à la déconnexion dans le Code du travail. Il s’applique dans le cadre des négociations obligatoires d’entreprise et des conventions de forfait.

Le droit à la déconnexion dans les négociations obligatoires d’entreprise

Depuis le 1er janvier 2017, la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail inclut le droit à la déconnexion.

Quelles entreprises sont concernées ?

Cette négociation est obligatoire dans les entreprises ayant une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives. Sont donc concernées :

  • les entreprises de plus de 50 salariés ayant désigné au moins un délégué syndical.
  • les entreprises de moins de 50 salariés dont la section syndicale a désigné un représentant du personnel comme délégué syndical, ou qui ont modifié leur seuil d’effectif.

Le critère est donc la présence d’un délégué syndical et non l’effectif de l’entreprise.

Cette négociation est annuelle, à défaut d’un accord d’entreprise prévoyant une périodicité différente (dans la limite de 4 ans).

Accord d’entreprise ou charte droit à la déconnexion

L’accord d’entreprise issu de cette négociation obligatoire doit traiter du droit à la déconnexion. On peut y déroger en aménageant les thèmes de négociation par accord d’entreprise. L’objectif est de garantir le respect des temps de repos et congé, et de la vie privée et familiale. Il doit prévoir :

  • les modalités d’exercice effectif par le salarié de son droit à la déconnexion ;
  • des moyens de régulation de l’utilisation des outils numériques.

Cependant, la négociation n’aboutit pas toujours à la conclusion d’un accord. Dans ce cas, l’employeur doit établir une charte sur le droit à la déconnexion. Les représentants du personnel donnent leur avis sur cette charte. Elle contient :

  • les modalités d’exercice effectif par le salarié de son droit à la déconnexion ;
  • des formations et sensibilisations à l’utilisation raisonnable des outils numériques pour les salariés, les cadres et le personnel de direction.

Tous les salariés des entreprises soumises à la négociation obligatoire doivent donc bénéficier de garanties pour leur droit à la déconnexion.

L’absence de négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail est punie d’une amende de 3750 euros. Ainsi, lorsque l’on crée son entreprise et que l’on embauche des salariés, il faut se poser la question du droit à la déconnexion.

Le droit à la déconnexion dans les conventions de forfait

Le droit à la déconnexion numérique prend d’autant plus d’importance pour les salariés dont le temps de travail est plus flexible. De plus, ces salariés ont souvent fortement recours aux outils numériques.

Qu’est-ce qu’une convention de forfait ?

Le temps de travail de certains salariés est calculé selon un forfait en heures ou en jours sur l’année. Ils ne sont pas soumis à la durée légale de travail de 35 heures hebdomadaires. Par exemple, le salarié au forfait jours est payé pour un certain nombre de jours de travail sur l’année, sans que soit pris en compte le nombre d’heures effectuées par jour. Les repos minima doivent tout de même être respectés.

Toutes les entreprises peuvent mettre en place des conventions de forfait, sans critère d’effectifs.

Cette forfaitisation du temps de travail sur l’année est réservée aux salariés et cadres disposant d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps. En raison de leurs fonctions, leur temps de travail ne peut pas être déterminé à l’avance et ils ne peuvent pas être soumis à l’horaire collectif de leur équipe ou service. Les cadres ne sont donc pas les seuls concernés.

Deux conditions s’imposent pour mettre en place un forfait en heures ou en jours sur l’année :

  • un accord d’entreprise ou une convention collective de branche qui définit les modalités du forfait ;
  • une convention individuelle de forfait écrite par laquelle le salarié donne son accord.

Si la convention collective de branche applicable à l’entreprise encadre déjà le recours aux conventions de forfait, il n’est pas nécessaire de conclure un accord d’entreprise.

Accord collectif ou décision unilatérale

C’est au niveau de l’accord collectif qu’intervient le droit à la déconnexion. Il doit déterminer les modalités d’exercice effectif du droit à la déconnexion par le salarié au forfait. Le texte renvoie expressément aux modalités qui auront été définies dans le cadre de la négociation obligatoire.

Toutefois, il est possible de ne pas conclure d’accord collectif à condition de respecter certaines garanties. Dans ce cas, la loi impose à l’employeur de déterminer unilatéralement les modalités d’exercice du droit à la déconnexion des salariés au forfait et les leur communiquer. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, il doit tenir compte de la charte sur le droit à la déconnexion pour fixer ces modalités.

Les sanctions

L’absence de gestion du droit à la déconnexion dans un accord ou une décision unilatérale peut conduire le juge à annuler la convention individuelle de forfait, en raison du manquement au contenu légal. Dans ce cas, le salarié sera considéré comme ayant toujours été aux 35 heures. Il pourra demander un rappel d’heures supplémentaires pour ses trois dernières années d’emploi.

Depuis 2011, la Cour de cassation vérifie strictement que la santé et la sécurité du salarié bénéficient d’une protection adéquate. Les conseillers observent notamment le contrôle de l’amplitude et de la charge de travail. Des conventions individuelles de forfait ont été annulées au motif que la convention collective de branche n’apportait pas de garanties suffisantes. La loi Travail a permis un aménagement pour limiter les invalidations.

Comment garantir le droit à la déconnexion ?

Le texte ne le précise pas. Plusieurs types de mesures peuvent être mises en place dans l’accord d’entreprise ou la charte droit à la déconnexion.

La sensibilisation à la déconnexion

Tout d’abord, on peut rappeler aux salariés qu’ils n’ont pas à répondre aux sollicitations professionnelles en dehors de leur temps de travail et lors de leurs congés ou absences.

Un rappel des bonnes pratiques est aussi souvent intégré : éviter les « réponses à tous » si ce n’est pas indispensable, réfléchir au moment d’envoi d’un email et au délai de réponse donné, configurer un gestionnaire d’absence voire un transfert de messagerie vers un collègue lors des absences, etc.

L’information sur la déconnexion passe par des journées de formation et de sensibilisation, tant des salariés que des managers. Un responsable déconnexion peut aussi être désigné dans l’entreprise pour que les salariés puissent lui transmettre leurs préoccupations.

Comment imposer la déconnexion ?

Les entreprises peuvent définir des plages de déconnexion en dehors du temps de travail, calquées par exemple sur l’horaire collectif de travail.

Pendant ces plages de déconnexion, plusieurs moyens sont utilisés pour s’assurer de la déconnexion :

  • des alertes incitant à respecter la plage de déconnexion avant chaque envoi d’email ;
  • une interdiction aux salariés d’envoyer des emails et messages ou de passer des appels professionnels, parfois sous peine de sanctions disciplinaires ;
  • un différé des emails envoyés à la fin de la plage de déconnexion ;
  • le blocage des serveurs informatiques de l’entreprise ;
  • la restitution des outils de communication numérique avant de quitter l’entreprise en fin de journée.

Cependant, les mesures les plus contraignantes peuvent être problématiques pour le fonctionnement de l’entreprise. En outre, il faut faire attention aux salariés en forfait jour qui ne sont pas soumis à l’horaire collectif de travail. La déconnexion peut être aménagé par des dérogations en cas d’urgence.

Les salariés peuvent aussi être laissés libres de se déconnecter quand ils le souhaitent, avec un contrôle du respect des durées minimales de repos voire des durées maximales de travail. Pour rappel, si l’employeur souhaite contrôler l’utilisation de l’email professionnel, il doit consulter au préalable les représentants du personnel, informer individuellement les salariés, et l’inscrire dans le registre CNIL.

Il est également possible de prévoir des journées ou demi-journées sans email : la plage de déconnexion est alors fixée pendant le temps de travail.

Enfin, des enquêtes régulières auprès des salariés permettent de recueillir leurs suggestions et suivre la mise en oeuvre des mesures de déconnexion.

 

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