Entretien avec Maître Agathe COQUEMA (Office notarial du Jeu de Paume)
À propos de l’Office notarial du Jeu de Paume
L’Office notarial du Jeu de Paume est une institution notariale créée en 1972.
Elle rassemble plus de 120 salariés et 36 notaires sur deux sites : à Bordeaux et à Paris.
La facture envoyée par un notaire comprend soit des émoluments (fixes ou proportionnels), soit des honoraires libres. Dans une opération globale, il est possible de retrouver les deux. Ce sera le cas d’une prestation réalisée distincte de l’acte notarié qui a été signé. L’honoraire du notaire est sujet à des spécificités qu’il convient de détailler et d’expliquer.
Pour ce faire, LegalVision a eu le plaisir de s’entretenir avec Maître Agathe COQUEMA, notaire au sein de l’Office notarial du Jeu de Paume. À travers cet article, cette dernière vous partage son expérience et son regard de professionnelle sur de nombreux sujets !
Au sommaire de cet article
Comment fixez-vous vos honoraires libres ?
Le notaire doit déterminer ses tarifs selon une réglementation spécifique établi par le Code de Commerce. Cela concerne souvent les actes qu’il est le seul à pouvoir réaliser tels que les ventes, les donations, les contrats de mariage ou encore les successions. Ce tarif réglementé est appelé « émolument », qui peut être fixe ou proportionnel selon l’acte réalisé par le notaire.
Hors sa sphère privée, le notaire peut réaliser des actes dont le tarif n’est pas réglementé, tels que les actes du droit des affaires : rédaction de statuts de société, rédaction de baux commerciaux ou professionnels, vente de fonds de commerce, etc. L’article L444-1 alinéa 5 du Code de commerce prévoit : « Sauf disposition contraire, les prestations que les notaires accomplissent en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d’autres professionnels ne sont pas soumises à un tarif réglementé ».
Le notaire bénéficie d’une certaine liberté pour fixer son honoraire, dans le respect de la réglementation en vigueur. L’article précité précise que « les honoraires rémunérant ces prestations prennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des f rais exposés par les professionnels concernés, de leur notoriété et des diligences de ceux-ci ».
Il n’y a donc aucune règle précise de détermination, certains choisiront un honoraire à l’heure, mais c’est plutôt rare. En général, le notaire choisit le montant de son honoraire par rapport à un type d’acte et l’applique à chaque fois. Quand le notaire est face à un dossier plus complexe, il pourra demander un honoraire fixe et un honoraire déterminable par le nombre d’heures de travail consacrées au dossier. Le montant de l’honoraire dépendra donc du prix sur le marché du même acte réalisé par un confrère, des compétences et de la notoriété du notaire en la matière, ainsi que de la difficulté du dossier.
Il faut préciser en dernier lieu que l’honoraire est fixé entre le client et le professionnel. Cela signifie que le montant proposé par le notaire peut ne pas être accepté par son client, et inversement.
L’Office notarial du Jeu de Paume dispose-t-il d’un site Web mentionnant ses tarifs ?
Le notaire doit respecter une obligation d’affichage du tarif réglementé dans sa salle d’attente et sur son site Internet. Notre site Internet renvoie au site notaires.fr qui indique le tarif pour les actes réglementés.
S’agissant des honoraires libres, il n’y a aucune obligation d’afficher le montant de son honoraire en fonction du type d’acte à réaliser ou son honoraire à l’heure.
Les honoraires libres des notaires dépendent de la difficulté du dossier. C’est pourquoi ils ne sont pas obligatoirement fixés à l’avance et prédéterminés.
Vous arrive-t-il de ne pas fixer le montant de votre honoraire avec vos clients préalablement à la prestation réalisée ?
La réglementation en vigueur n’impose pas au notaire de déterminer son honoraire préalablement à sa prestation. Il pourrait tout à fait réaliser la prestation et demander un honoraire à son client à la conclusion du dossier. Mais ne pas connaitre le montant à régler pourrait décourager le client de traiter avec lui.
En pratique, le montant des honoraires est annoncé lors du premier rendez-vous ou dans les premiers échanges, lorsque le notaire a pu appréhender la difficulté du dossier et le temps nécessaire pour le traiter. La convention d’honoraires est signée à la fin du dossier avec le paiement des honoraires, lors de la signature de l’acte réalisé ou au moment de la remise de la consultation juridique au client.
Il reste préférable de signer une convention d’honoraires au début du dossier, pour éviter toute confusion sur le coût de la prestation.
Combien de conventions sont établies selon les actes réalisés et selon le type de clients ?
La plupart des notaires travaillent principalement avec des particuliers, c’est pourquoi une seule convention est signée pour chaque acte réalisé. Par exemple, une convention d’honoraires est signée pour la vente d’un fonds de commerce, la prestation prise en compte est la rédaction de l’acte, les formalités postérieures et toutes les démarches dépendantes de la prestation principale.
Quand le notaire travaille avec des professionnels, il peut bien entendu demander un honoraire unique pour une pluralité d’actes, même si la pratique reste de demander un honoraire par « dossier » ou par consultation.
Le notaire peut aussi établir des conventions d’honoraires cadre avec une grille tarifaire pour la réalisation de telle ou telle prestation. C’est notamment le cas quand le notaire traite avec des directions juridiques d’entreprises.
C’est la liberté qui prévaut (pour les actes non soumis à tarif réglementé). Cela rend nos relations privilégiées avec certains professionnels, mais pas forcément du droit. Pour les actes qui ne sont pas tarifés de manière réglementée, nous ne sommes pas nécessairement amenés à travailler pour des experts-comptables ou des avocats, étant donné qu’ils peuvent eux-mêmes effectuer ces actes.
Y a-t-il une marge de négociation pour les professionnels par rapport aux autres clients ?
Comme je l’ai abordé dans les questions précédentes, il y a effectivement une marge de négociation pour n’importe quel client, qu’il s’agisse d’un professionnel ou d’un particulier.
Les honoraires libres des notaires sont librement négociés entre le professionnel et son client. Un professionnel avec qui le notaire serait amené à collaborer de façon régulière pourrait naturellement trouver un accord global sur le montant des honoraires d’une prestation, si cette dernière est récurrente ou si plusieurs dossiers doivent être traités.
Les relations que vous entretenez avec les professionnels du droit (B2B) sont-elles très différentes de celles que vous avez avec les autres clients (B2C) ?
Le notariat parle peu de B2B ou de B2C, mais plutôt de clients professionnels et de clients particuliers. Nous travaillons souvent en collaboration avec des professionnels du droit, mais les professionnels du droit sont rarement nos clients de manière directe.
Les professionnels avec qui nous travaillons sont :
- Les avocats chargés de régler des divorces ou de mettre en place des montages juridiques complexes,
- Les syndics de copropriété lors de ventes immobilières ou lors de la rédaction de règlements de copropriété,
- Les promoteurs immobiliers dans le cadre d’un programme de vente de logements en état futur d’achèvement.
Travailler avec des professionnels du droit peut parfois s’avérer plus facile que travailler avec des clients particuliers, car nous utilisons le même langage. Le client professionnel peut parfois être plus impatient et plus intransigeant que le particulier, puisqu’il a une connaissance du métier et de la tâche réalisée.
Quoi qu’il arrive, nous essayons de considérer les autres professionnels du droit comme des partenaires : chacun amène son analyse pour permettre de finaliser un dossier complexe.
Considérez-vous les honoraires libres des notaires comme une contrainte ou comme une opportunité de concurrence intéressante ?
Je vois l’honoraire libre du notaire comme une force de concurrence intéressante. Certains notaires font très peu d’actes / prestations dont le tarif n’est pas réglementé, notamment en droit des affaires. Cela s’explique par le fait que le domaine réservé du notaire est vaste et demande déjà beaucoup de compétences.
Je pense, pour ma part, que c’est une chance de pouvoir sortir son épingle du jeu dans le domaine du droit des affaires ou de l’ingénierie patrimoniale, avec un notaire conseil de l’entreprise et conseil de la famille.
Selon moi, le notaire doit allier le domaine du droit des affaires, dont le tarif n’est pas réglementé, avec les autres domaines qui lui sont réservés, tels que le droit de la famille et le droit immobilier.
La dématérialisation peut-elle rendre votre étude plus concurrentiel et attractif ?
Les notaires sont très avancés en matière de dématérialisation (l’acte authentique électronique par exemple). Les notaires ne peuvent pas, selon moi, se concurrencer entre eux sur ce point.
La dématérialisation peut être un élément de concurrence entre les autres professionnels du droit et les notaires.
Pensez-vous que la stratégie de votre étude est adaptée aux lois du marché ?
L’étude notariale dans laquelle je travaille est une étude qui a un vécu et une clientèle très familiale. Sans que cela soit une stratégie, c’est ce que nous souhaitons faire ressentir à nos clients. Nous conseillons les familles et pouvons les accompagner dans tous les moments de leur vie, notamment lors des transmissions (la transmission de leur patrimoine, de leur entreprise, la cession de leur maison ou appartement, etc).
La publicité chez les notaires est très encadrée, même pour les actes qui ne relèvent pas du tarif réglementé. C’est principalement le bouche à oreille qui fait son œuvre dans notre profession.
Lorsque vous êtes avec votre client pour un dossier, c’est le moment de faire un bilan de sa situation, qu’elle soit familiale ou professionnelle. C’est là que nous proposons au client la réalisation d’une prestation dont il a besoin pour améliorer juridiquement sa situation.