Modifier l’objet social d’une société peut ouvrir la voie à de nouvelles opportunités, mais cette démarche n’est pas sans défis. En plus des formalités à effectuer, il est essentiel de se prémunir contre des risques tels que l’abus de minorité. Cet article vous guide à travers les étapes de cette modification et vous donne les clés pour mener cette opération sans accroc.
Table des matières
Quelle est l’importance de l’objet social d’une société ?
L’objet social d’une société détermine les activités qu’elle peut exercer, en incluant à la fois son activité principale et les activités connexes ou complémentaires. Il figure dans les statuts de la société.
L’objet social peut être rédigé de manière large mais précise. Cela permet de ne pas limiter les activités futures de la société et d’éviter des modifications des statuts trop fréquentes.
Sa rédaction est une étape importante qui ne doit pas être prise à la légère. En effet, l’objet social influe notamment sur :
- la classification de l’activité (commerciale, artisanale, libérale ou agricole) ;
- la convention collective applicable ;
- le code APE.
Modification de l’objet social d’une société : les étapes
Lorsqu’une entreprise souhaite diversifier ses opérations en ajoutant une nouvelle activité, qui peut être distincte de son activité initiale, ou envisage un changement complet de secteur, il est nécessaire de procéder à la modification de son objet social.
Pour la modification de l’objet social, différentes formalités doivent être effectuées. Les voici !
La convocation des associés à une assemblée générale extraordinaire
Pour modifier l’objet social d’une société, il est nécessaire de convoquer les associés de la structure à une assemblée générale extraordinaire (AGE).
Cette modification fait partie de l’ordre du jour de l’assemblée. La décision de changer l’objet social doit être votée et approuvée par les actionnaires réunis.
La rédaction d’un procès-verbal
Avant de procéder à la rédaction du procès-verbal, la modification de l’objet social doit faire l’objet d’un vote en assemblée générale. Ce vote dépend du type de l’entité, chaque structure ayant des règles spécifiques en matière de quorum et de majorité.
Une fois la modification de l’objet social approuvée, le procès-verbal est rédigé pour formaliser la décision. Ce document officialise le résultat du vote et atteste que la procédure a été menée conformément aux dispositions légales et statutaires, garantissant ainsi la légitimité de la modification apportée à l’objet social de la société.
La modification des statuts
L’objet social, défini dès la création de l’entreprise, est mentionné dans les statuts et encadre les activités que la société peut exercer.
En cas de modification de l’objet social d’une société, il est donc nécessaire de modifier ses statuts.
La publication d’une annonce légale
Le changement d’objet social, validé par le procès-verbal de l’assemblée, doit être publié dans un support d’annonces légales dans un délai d’un mois.
L’avis de modification doit inclure certaines mentions obligatoires comme l’ancien et le nouvel objet social de l’entreprise, la dénomination sociale de la société et l’adresse de son siège social.
Après publication, une attestation de parution de l’avis de modification est délivrée.
La constitution du dossier à déposer
Le changement de l’objet social doit être déclaré dans un délai d’un mois sur le site du Guichet des formalités des entreprises.
Au moment de la déclaration, plusieurs documents sont à fournir :
- une copie du procès-verbal approuvant le changement d’objet social ;
- un exemplaire des statuts mis à jour, daté et certifié conforme par le représentant légal ;
- une attestation de parution de l’avis dans un journal d’annonces légales.
Attention ! La modification de l’objet social peut, sous certaines conditions, entraîner un changement de l’activité réelle. Dans ce cas, la modification de l’objet social est assimilée à une cessation d’activité sur le plan fiscal.
Le changement d’activité réelle peut être constatée dans 3 cas :
- l’adjonction d’une nouvelle activité ;
- l’abandon, même partiel, d’une ou plusieurs activités ;
- le transfert, même partiel, d’une ou plusieurs activités.
Ces situations doivent influencer le chiffre d’affaires de la société, ainsi que l’effectif moyen du personnel et le montant brut des éléments d’actif immobilisé, à hauteur de 50 %.
Dès lors, les bénéfices et les plus-values non encore imposées deviennent immédiatement imposables, et le droit au report des déficits sur les résultats de la nouvelle activité est perdu.
Modification de l’objet social d’une société : éviter les contestations
Modifier l’objet social d’une société requiert une attention particulière pour éviter les conflits avec les asssociés ou d’autres entreprises. Découvrez les points clés pour réussir cette transition en toute sérénité.
Le respect des statuts de la société
Avant de procéder à la modification de l’objet social d’une société, il est essentiel de lire et d’analyser les statuts de celle-ci avec précaution. Les dispositions statutaires définissent les règles concernant les modifications, notamment les conditions de quorum et de majorité nécessaires pour l’adoption d’une résolution de modification.
La convocation à l’AGE doit être réalisée selon les modalités prévues dans les statuts. Les associés ou actionnaires devront voter pour approuver la modification, en respectant les seuils de majorité fixés par les statuts.
Une rédaction précise de l’objet social
La rédaction de l’objet social doit s’effectuer de façon claire et précise. Une description vague ou trop large peut engendrer des ambiguïtés et des conflits, entre associés ou avec des tiers, en raison de l’incertitude sur les activités autorisées.
Une rédaction précise assure la conformité aux exigences légales et réglementaires, évitant des complications administratives ou des sanctions. En définissant clairement les activités envisagées, la société facilite également ses démarches auprès des partenaires financiers et commerciaux, qui préfèrent des informations bien définies pour évaluer les risques et comprendre la nature des opérations de l’entreprise.
Une rédaction détaillée de l’objet social prévient les problèmes juridiques et opérationnels tout en facilitant les relations professionnelles.
Le respect des formalités
La loi impose la publication d’une annonce légale pour informer le public de la modification de l’objet social. Cette publication permet aux tiers de prendre connaissance des changements.
Une fois la modification publiée, elle doit être enregistrée auprès du Guichet unique des entreprises. Ce dépôt permet d’actualiser les informations de la société dans les registres officiels et de rendre la modification opposable aux tiers. Assurez-vous que tous les documents requis sont correctement remplis et soumis dans les délais impartis.
La notification aux créanciers
Bien que la loi n’impose pas une notification aux créanciers, il est recommandé d’en informer ceux qui pourraient être affectés par le changement. Cela permet de maintenir une bonne relation avec vos créanciers et de prévenir toute contestation potentielle liée à la modification de l’objet social, surtout si elle impacte les garanties ou les engagements financiers.
La consultation juridique
Pour vous assurer que la modification de l’objet social d’une société soit régulière, vous pouvez consulter un professionnel dans le domaine comme un avocat spécialisé en droit des sociétés ou un expert-comptable. Ils pourront vous conseiller sur les aspects juridiques et fiscaux, vérifier la conformité des démarches entreprises, et vous aider à rédiger des documents juridiques si nécessaire.
L’analyse des implications contractuelles
Il est important d’examiner les contrats existants avec des partenaires commerciaux, des clients, et des fournisseurs pour identifier d’éventuelles clauses qui pourraient être affectées par le changement d’objet social. Assurez-vous que la modification soit conforme aux termes des accords et qu’aucune révision ou renégociation de contrat ne sera nécessaire.
Il est également recommandé de vérifier si la modification de l’objet social pourrait entrer en concurrence directe avec les activités d’autres sociétés, notamment celles avec lesquelles la société a des relations contractuelles. Cela pourrait provoquer des conflits d’intérêts ou des revendications de concurrence déloyale.
La modification de l’objet social et l’abus de minorité
Qu’est-ce qu’un abus de minorité ?
Abus de minorité et droit des sociétés : l’abus de minorité se réfère à la situation où un associé ou actionnaire minoritaire exerce ses droits de manière abusive, dans le but de nuire à la société ou à ses autres membres, malgré son statut de minorité.
Ce comportement peut inclure la prise de décisions qui entravent le bon fonctionnement de l’entreprise, la mise en œuvre de stratégies qui favorisent ses intérêts personnels au détriment de la société, ou encore l’usage des droits de vote pour bloquer des décisions importantes de manière non justifiée.
En droit des sociétés, la jurisprudence considère généralement ces actions comme abusives lorsqu’elles vont à l’encontre de l’intérêt social, perturbent l’équilibre entre les associés et compromettent le bon fonctionnement de la société. Les tribunaux peuvent intervenir pour corriger ces abus et protéger les intérêts de la société et des autres associés.
La position de la Cour de cassation en 2024
Dans un récent arrêt du 13 mars 2024, la Cour de cassation a jugé qu’un refus d’un associé minoritaire de voter pour la modification de l’objet social peut constituer un abus de minorité. En l’espèce, une société détenue à 74 % par un couple et à 26 % par une sous-filiale d’un groupe franchiseur devait modifier son objet social après la dénonciation de son contrat de franchise. Lors de l’AGE, l’associé minoritaire a bloqué la résolution pour changer l’objet social.
Les juges ont constaté que le refus de l’associé minoritaire n’avait pour seule motivation que de protéger le système de franchise participative, servant uniquement ses intérêts personnels, ce qui constituait un abus de minorité.
La Cour a donc réaffirmé que le refus d’un minoritaire, visant à préserver ses propres intérêts au détriment de la société, constitue un abus de minorité.
Arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 2024
Abus de minorité et contentieux : quelques exemples
Abus de minorité et droit des sociétés : de nombreuses formes de blocages peuvent survenir.
- Le blocage de l’extension de l’objet social : un associé minoritaire peut empêcher la société de modifier son objet social pour intégrer de nouvelles activités, même lorsque cette modification serait bénéfique pour l’entreprise.
Par exemple, une entreprise souhaitant se diversifier dans un secteur porteur pourrait se retrouver bloquée par un actionnaire minoritaire qui vote contre cette initiative. Cela crée une situation où l’entreprise ne peut pas saisir des opportunités commerciales, ce qui ralentit son développement. Ce type de comportement, visant à entraver une décision bénéfique à la société, est souvent qualifié d’abus de minorité, car il est contraire à l’intérêt social global.
- Le refus de modification de l’objet social pour éviter la concurrence : un actionnaire minoritaire peut s’opposer à une modification de l’objet social dans le but d’éviter la concurrence, au détriment de la société.
Par exemple, si un associé possède une autre société concurrente ou impliquée dans une activité similaire, il pourrait refuser une modification de l’objet social de l’entreprise pour éviter que celle-ci ne devienne un concurrent direct. Bien que cela protège ses intérêts personnels, cela va à l’encontre de l’intérêt général de la société.
- Le blocage de l’évolution de l’objet social pour contrer des changements de gouvernance : un actionnaire minoritaire peut empêcher la modification de l’objet social d’une entreprise afin de maintenir un statu quo qui lui est favorable.
Par exemple, si la société souhaite modifier son objet social pour refléter une nouvelle stratégie de gouvernance qui impliquerait une réorganisation ou un changement de direction, un associé minoritaire pourrait s’opposer à cette modification pour préserver son influence ou ses privilèges dans l’organisation actuelle. Ce blocage est souvent motivé par le désir de maintenir un contrôle ou des avantages personnels au détriment de l’adaptation nécessaire pour la croissance et le développement de l’entreprise.