Lorsque des entreprises opèrent au sein d’un groupe, la question de la confidentialité des comptes annuels se pose de manière distincte. Contrairement aux entreprises individuelles, les membres d’un groupe interconnecté peuvent rencontrer des défis particuliers en matière de préservation de la confidentialité de leurs informations financières. Cette dynamique complexe entre la nécessité de transparence et la préservation des données sensibles soulève des débats essentiels quant à la viabilité de l’application traditionnelle de la confidentialité des comptes annuels dans un contexte de groupe.
Dans une communication du 5 avril 2023, l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA) s‘est interrogée sur la possibilité pour une société faisant partie d’un groupe de bénéficier de cette option tout en respectant les critères légaux.
Table des matières
Comprendre le dépôt confidentiel des comptes
Le dépôt des comptes représente une démarche obligatoire en vertu de la loi française, qui vise à promouvoir la transparence en divulguant publiquement la situation financière d’une entreprise. Toutefois, il peut arriver que dans certains contextes, une entreprise souhaite garder ses comptes confidentiels. Un exemple marquant s’est produit en 2014 lorsque Sony Pictures Entertainment a été victime d’une cyberattaque majeure. Des pirates informatiques ont réussi à accéder à des informations confidentielles, y compris des courriels et des documents internes, qui contenaient des chiffres d’affaires et des détails financiers de la société. Cette violation a mis en lumière l’importance pour les entreprises de protéger leurs informations sensibles et de prendre des mesures de sécurité adéquates pour éviter toute exposition non souhaitée.
Certaines entreprises (micro et petites entreprises) ont la possibilité de déposer leurs comptes annuels de manière confidentielle auprès du greffe du tribunal de commerce lors de la procédure de dépôt, tandis que d’autres sont exclues de cette possibilité en raison de leur nature ou de l’activité qu’elles exercent. Cela inclut notamment les établissements de crédit, les sociétés de financement, les entreprises d’assurances ou de réassurance, les sociétés faisant partie d’un groupe, les holdings, etc.
À noter : La déclaration de confidentialité doit être effectuée au moment du dépôt et ne peut être réalisée après cette étape.
Les régimes de confidentialité des comptes pour les entreprises
Les petites et micro-entreprises bénéficient d’un régime spécifique leur permettant de demander la confidentialité de tout ou partie de leurs comptes annuels vis-à-vis du public.
Les petites entreprises
Les petites entreprises ont la possibilité de demander la confidentialité partielle de leurs comptes annuels au tribunal de commerce. Elles sont définies comme des commerçants, personnes physiques ou personnes morales, qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants :
- 6 millions d’euros de total du bilan,
- 12 millions d’euros de chiffre d’affaires net,
- 50 salariés employés en moyenne au cours de l’exercice.
Les entreprises suivantes ne peuvent déclarer confidentiel leur compte de résultat, même si elles répondent à la définition d’une « petite entreprise » :
- Établissements de crédit, sociétés de financement, établissements de paiement et établissements de monnaie électronique,
- Entreprises d’assurance, de réassurance, organismes de sécurité sociale, institutions de prévoyance, mutuelles et unions de mutuelles,
- Personnes et entités dont les titres financiers sont négociés sur un marché réglementé,
- Personnes et entités effectuant des appels à la générosité publique,
- Sociétés appartenant à un groupe.
Les micro-entreprises
Les micro-entreprises sont les commerçants, personnes physiques ou personnes morales, ne dépassant pas deux des trois seuils suivants :
- 350 000 euros de total du bilan,
- 700 000 euros de chiffre d’affaires net,
- 10 salariés employés en moyenne au cours de l’exercice.
Les micro-entreprises peuvent demander la confidentialité totale de leurs comptes annuels. Quant aux entreprises appartenant à cette catégorie mais ne satisfaisant pas à la définition des micro-entreprises, elles ont la possibilité de demander la confidentialité de leur compte de résultat uniquement.
À noter : La confidentialité des comptes annuels ne peut pas être demandée après leur dépôt au greffe. Dans un arrêt de la cour d’appel de Paris datant du 6 juin 2023, une SAS qui avait déjà déposé ses comptes de résultat n’a pas obtenu gain de cause dans sa demande de confidentialité, car la loi exige que cette demande soit effectuée au moment du dépôt initial.
La confidentialité des comptes pour les entreprises faisant partie d’un groupe
Le droit français exclut l’application de la confidentialité des comptes aux sociétés appartenant à un groupe en raison de divers facteurs, les obligeant ainsi à rendre public leur compte de résultat.
Exclusion de la confidentialité des comptes pour les entreprises appartenant à un groupe
Le droit français (article L.232-25 du Code de commerce) exclut l’application de ces dispositions aux sociétés appartenant à un groupe au sens de l’article L.233-16 du Code de commerce.
Par conséquent, toute entreprise faisant partie d’un groupe, et non seulement celles appartenant à un groupe devant consolider leurs comptes, est tenue de rendre public son compte de résultat, sans possibilité de confidentialité.
Selon la communication du comité juridique de l’ANSA en date du 5 avril 2023, l’article L.232-25 inclurait toutes les sociétés faisant partie d’un groupe, y compris les sociétés contrôlantes. Pour remédier à cette problématique, le comité juridique propose une réforme de l’article L.232-25 pour limiter son application aux sociétés faisant partie d’un groupe qui établit des comptes consolidés.
Pourquoi la mise en place de la confidentialité des comptes au sein d’un groupe peut s’avérer difficile ?
La mise en place de la confidentialité des comptes au sein d’un groupe peut être difficile en raison de l’interdépendance financière et opérationnelle entre les entités et des exigences de transparence des investisseurs et des régulateurs. Les risques de pratiques comptables abusives et l’harmonisation des normes comptables peuvent également compliquer la préservation de la confidentialité.
Interdépendance financière et opérationnelle
Les entreprises au sein d’un groupe sont fréquemment liées financièrement et opérationnellement, avec des flux de trésorerie, des prêts inter-entités et des transactions commerciales régulières. Cette interdépendance peut mettre en péril la confidentialité des comptes annuels, car les informations financières d’une entité peuvent avoir un impact direct sur les autres membres du groupe.
Exigences de transparence pour les investisseurs et les créanciers
Les investisseurs et les créanciers ont besoin d’avoir une vision claire et transparente de la santé financière globale d’un groupe d’entreprises. La confidentialité excessive des comptes annuels risque de générer une opacité indésirable et de mettre en péril la confiance des parties prenantes. Par conséquent, les régulateurs et les organismes de normalisation financière peuvent exiger une certaine transparence au niveau du groupe pour garantir la crédibilité et l’intégrité du marché.
Risques de pratiques comptables abusives
Certains groupes pourraient être tentés d’utiliser la confidentialité des comptes annuels pour dissimuler des pratiques comptables douteuses ou des transferts inappropriés de fonds entre entités. Cela risquerait de provoquer des manipulations comptables et des distorsions dans les rapports financiers, portant préjudice à la prise de décision éclairée des parties prenantes.
Harmonisation des normes comptables
Au sein d’un groupe opérant à l’échelle internationale, les différentes entités sont généralement soumises à des normes comptables différentes. L’harmonisation de ces normes peut s’avérer complexe, rendant ainsi la consolidation des comptes annuels du groupe difficile tout en préservant la confidentialité des données sensibles.
Pressions réglementaires et légales
De nombreuses juridictions ont des exigences légales spécifiques en ce qui concerne la divulgation d’informations financières pour les groupes d’entreprises. Les régulateurs peuvent imposer des obligations de transparence pour prévenir la fraude, la dissimulation fiscale et d’autres activités illégales.
Conclusion
Préserver la confidentialité des comptes annuels au sein d’un groupe est une opération complexe compte tenu des enjeux impliqués. En effet, l’approbation des comptes annuels garantit, selon le quotidien Les Échos, la transparence des activités commerciales. Une fois les comptes déposés, ils sont publiés au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et sont accessibles à toute personne intéressée.
En complément de la réforme légale envisagée par l’ANSA, les groupes d’entreprises ont la possibilité d’explorer des initiatives internes visant à gérer efficacement la confidentialité des comptes annuels. Ces actions pourraient réunir l’amélioration des méthodes de gestion des données, l’instauration de protocoles de sécurité avancés, la sensibilisation et la formation des employés sur l’importance de préserver les informations confidentielles, ainsi que l’utilisation de technologies de pointe pour contrôler l’accès aux données sensibles.
En adoptant ces mesures, les entreprises peuvent mieux protéger leurs comptes annuels tout en respectant les obligations de transparence imposées par les autorités.