Transposition en droit français d’une nouvelle directive européenne, premier décret d’application de la loi Attractivité… On fait le point sur les actualités marquantes du droit des sociétés d’octobre 2024.
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Les associations de défense de l’environnement peuvent se poster parties civiles en cas de tromperie ?
Les associations agréées pour la défense de l’environnement peuvent-elles se porter partie civile en cas de tromperie ? C’est à cette question qu’a répondu la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 1er octobre dernier.
En l’espèce, un constructeur automobile commercialise des véhicules équipés de moteurs qui dépassent les seuils réglementaires d’émissions d’oxydes d’azote. Ce dépassement rend leur utilisation dangereuse pour la santé de l’homme ou de l’animal. Une association agréée pour la protection de la nature et de l’environnement se porte partie civile sur le fondement de l’article L.142-1 du Code de l’environnement, qui prévoit la possibilité pour de telles associations d’agir en cas d’infraction « aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement, […] de l’air, […] ou ayant pour objet la lutte contre […] les pratiques commerciales et publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales ».
Pour rappel, constitue un délit le fait de tromper un contractant sur les qualités substantielles d’une marchandise (art. L.441 du Code de la consommation). Cette tromperie est dite aggravée si elle a eu pour conséquence de rendre l’utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l’homme ou de l’animal.
La Cour de cassation, qui interprète strictement les dispositions de l’article L.142-1 du Code de l’environnement, déclare l’action de l’association irrecevable. En effet, cet article définit de manière limitative les catégories d’infraction qui ouvrent le droit à ces associations de se porter partie civile, dont « les pratiques commerciales et les publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales ». Ce qui renvoie aux pratiques commerciales trompeuses définies à l’article L 121-2 du Code de la consommation, et non à la tromperie aggravée prévue à l’article L 454-3 du même Code.
Transposition en droit français de la directive Women on boards
Le 16 octobre 2024, l’ordonnance n° 2024-934 a été publiée au Journal officiel. Celle-ci transpose dans notre droit français la directive européenne du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés, dite Women on Boards.
Pour rappel, le droit français est déjà doté depuis 2011 d’un dispositif obligeant les grandes entreprises à nommer au moins 40% de femmes au sein de leur conseil d’administration et de surveillance : c’est la loi Copé-Zimmermann, qui concerne les sociétés cotées et les SA et SCA non cotées de grande taille.
Concrètement, la directrice Women on Board impose aux grandes entreprises cotées, employant plus de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros ou disposant d’un total de bilan de 43 millions d’euros, de respecter des quotas de représentation des femmes et des hommes dans leurs conseils d’administration. D’ici le 30 juin 2026, ces entreprises devront se conformer à l’un des objectifs suivants :
- Au moins 40 % des postes d’administrateurs non exécutifs occupés par des membres du sexe sous-représenté ;
- Ou au moins 33 % de l’ensemble des postes d’administrateurs (exécutifs et non exécutifs) occupés par le sexe sous-représenté.
L’ordonnance étend donc le dispositif existant aux représentants des salariés et aux représentants des salariés actionnaires, en constituant des collèges distincts. La portée des règles établies par la loi Copé-Zimmermann est désormais étendue à toutes les catégories de membres des organes d’administration.
Par ailleurs, ces règles sont étendues aux sociétés commerciales dans lesquelles l’État détient des participations, en modifiant l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.
Défaillance des entreprises : vers un niveau record en 2024 ?
En octobre, le groupe Altares a publié dans son étude “Défaillances et sauvegardes d’entreprises en France” les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le troisième trimestre de l’année 2024.
Et les chiffres font état d’une situation peu réjouissante. Entre le 1er juillet et le 30 septembre 2024, 13 429 entreprises ont en effet fait faillite, soit une hausse de 20,1 % par rapport à la même période de 2023. Malgré une légère décélération, le record des 66 000 défaillances d’entreprise sur 12 mois a été franchi.
Quant au nombre de sauvegardes, il augmente légèrement (+ 4,7 %). Ce n’est pas le cas des redressements judiciaires, qui sont en hausse rapide : + 34,5 % pour 3 816 jugements prononcés.
Fait intéressant, l’étude nous apprend que 86 % des entreprises défaillantes comptent moins de 5 salariés. Près de 11 600 TPE ont fait faillite, soit 20 % d’augmentation par rapport au 3e trimestre 2023. 73 % d’entre elles ont fait l’objet d’une liquidation directe. Les PME de moins de 50 salariés résistent davantage ; mais les défaillances des PME de 50 à 99 salariés augmentent, elles, deux fois plus vite.
Pour les économistes, ces chiffres s’expliquent notamment par un “rattrapage” post-Covid, où les prêts garantis par l’Etat (PGE) ont mis en sursis des entreprises destinées à faire faillite, et par une conjoncture économique peu dynamique.
Modification du fonctionnement sociétaire : publication du premier décret d’application de la loi Attractivité
Le premier décret d’application de la loi Attractivité (de son nom complet, loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France) a été publié au Journal officiel du 10 octobre 2024, pour une entrée en vigueur le 11 octobre. Il concerne la mise en œuvre des mesures de modernisation des réunions des assemblées et des organes de décision de certaines formes de sociétés commerciales.
Ce décret précise les mentions que doivent comporter les formulaires de vote par correspondance des associés de SARL, et des administrateurs ou membres de conseil de surveillance de SA ou de SCA.
Il précise également, pour les sociétés cotées, les conditions dans lesquelles sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les membres des organes de décision qui participent à leurs réunions par un moyen de télécommunication permettant leur identification.
Enfin, il prévoit enfin les modalités de retransmission, d’enregistrement et de consultation des assemblées de sociétés cotées.
L’entreprise en redressement judiciaire peut embaucher un salarié
Une société en redressement judiciaire simplifié (c’est-à-dire sans désignation d’un administrateur judiciaire) peut-elle embaucher un salarié, et donc conclure un contrat de travail ?
Dans un arrêt rendu le 2 octobre dernier (Cass.com n°23.11.022), la Cour de cassation répond par l’affirmative.
En l’espèce, une société embauche un apprenti pour une durée de deux ans. Elle est mise en liquidation judiciaire et le contrat d’apprentissage rompu pour motif économique. Mais l’indemnisation de l’ancien apprenti pour la rupture anticipée du contrat est refusée, l’AGS estimant que celui-ci est inopposable à la procédure collective. L’ancien apprenti met alors en cause la responsabilité du dirigeant de la société, au motif que celui-ci s’est volontairement abstenu de solliciter l’autorisation du juge-commissaire pour l’embauche et que cette faute grave l’a privée de son indemnisation.
Sa demande est rejetée. En effet, en cas de redressement judiciaire simplifié, le débiteur poursuit seul l’activité de l’entreprise. En l’absence d’administrateur, il exerce les fonctions dévolues à celui-ci, ce qui implique qu’il dispose du pouvoir d’embaucher un salarié sans l’autorisation du juge-commissaire.