Prise de décision dans une société par actions simplifiées, lancement des obligations transition à destination des entreprises de taille moyenne… On fait le point sur les actualités du droit des sociétés du mois de novembre.
Table des matières
Adoption des décisions collectives de SAS : l’assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché
C’est une décision importante qui vient d’être rendue par la Cour de cassation. Le 15 novembre dernier, la Haute Juridiction a en effet jugé, dans un arrêt d’assemblée plénière qui aura les honneurs du Bulletin, que les décisions collectives au sein d’une société par actions simplifiées (SAS) doivent être prises à la majorité des voix exprimées.
Par conséquent, les statuts de la société ne peuvent pas prévoir une règle de vote contraire à ce principe.
En l’espèce, une délibération des associés d’une SAS est adoptée avec 46% de voix pour et 54% de voix contre. Et ce, conformément aux statuts qui prévoient que les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés. L’un des associés conteste la validité de la clause statutaire et de la délibération.
Dans un premier arrêt rendu en 2022, la Cour de cassation énonce que : « […] les résolutions ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés […] ».
Sur renvoi, la Cour d’appel de Paris retient en 2023 la validité de la délibération, énonçant qu’« il est loisible aux associés de définir dans les statuts une procédure d’adoption par un vote des décisions collectives […] qui n’applique pas une règle de majorité […] »
Enfin, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, censure cette décision le 15 novembre dernier. Et de délivrer cet attendu de principe :
« Il s’en déduit [des articles 1844, alinéa 1, et 1844-10, alinéas 2 et 3, du Code civil et L. 227-9 du Code de commerce] que la décision collective d’associés d’une société par actions simplifiée, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite. »
Lancement des obligations transition (OT) pour financer la décarbonation des PME et ETI
Par un communiqué de presse publié le 22 novembre dernier, le Ministère de l’économie, a annoncé le lancement d’un nouveau type d’obligations à destination des PME et ETI dans l’effort de décarbonation, dites “obligations transition” (OT).
Avec une garantie de l’État à hauteur de 30%, ce dispositif vise à financer jusqu’à 5 milliards d’euros d’encours.
Ces financements, dont l’objectif est d’améliorer la performance environnementale des entreprises, s’adressent aux PME et ETI qui contribuent à la transition écologique, soit :
- Par le financement de projets d’amélioration de leur performance environnementale ;
- Par le financement direct de PME dont l’activité principale contribue à la transition de l’économie ;
- Par le financement direct de PME ayant engagé une démarche de décarbonation (énergies renouvelables ou nucléaire, véhicules électriques et carburants alternatifs, traitement de l’eau, etc).
Concrètement, ce dispositif permet d’émettre des financements de long terme, sur 8 ans, avec un différé d’amortissement de 4 ans. Le montant maximal du volume de ces obligations est fixé à 5 milliards d’euros, à distribuer jusqu’à la fin de l’année 2029.
Un plan en cohérence avec la première échéance fixée par le plan européen Fit for 55, qui prévoit une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990) pour 2030.
Il reste désormais à finaliser la convention précisant les clauses contractuelles préalables à l’émission de la première obligation transition. Cette dernière étape devrait avoir lieu au début de l’année 2025.
Garantie d’éviction après la cession de parts sociales et liberté d’entreprendre
C’est un arrêt éclairant sur la garantie d’éviction après la cession de parts sociales qu’a rendu la Cour de cassation le 6 novembre dernier (Cass.com, n°23-11.008).
En l’espèce, deux associés avaient créé une société spécialisée dans l’édition de solutions ayant développé un logiciel de travail collaboratif. En 2007, ils avaient cédé leurs actions à une société extérieure, puis étaient devenus salariés et actionnaires de celle-ci. En 2010, après avoir démissionné, l’un des anciens actionnaires avait créé une société concurrente, à laquelle s’était joint le second actionnaire en 2011. Invoquant la garantie d’éviction, la société dont ils avaient été actionnaires les avait assignés en restitution partielle de la valeur des droits sociaux cédés et en réparation de son préjudice.
Pour rappel, selon l’article 1626 du Code civil, la garantie d’éviction vise à assurer à l’acquéreur la possession paisible de la chose vendue après sa délivrance. Ainsi, le vendeur doit garantir à l’acquéreur toute éviction du fait des tiers, ou de son propre fait.
Saisie du litige, la Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel, qui avait jugé que les anciens associés avaient attendu plusieurs années avant de créer une nouvelle entreprise et de lancer un produit similaire. Elle avait donc estimé à bon droit que leur nouvelle activité ne portait pas atteinte aux intérêts légitimes de l’acquéreur de manière disproportionnée et respectait la garantie d’éviction.
Pour la Cour de cassation, l’interdiction de se rétablir, découlant de la garantie d’éviction, doit être proportionnée aux intérêts légitimes de l’acquéreur, tout en respectant le principe constitutionnel de liberté d’entreprendre. De fait, en l’espèce, les anciens actionnaires “n’avaient pas méconnu les obligations résultant de la garantie légale d’éviction à laquelle ils étaient tenus”.
Instruments de paiement et preuve de la négligence de l’utilisateur : la Cour de cassation confirme sa position
Par un arrêt rendu le 20 novembre dernier (Cass.com, n° 23-15.099), la Haute Juridiction a confirmé son positionnement relatif à la preuve de la négligence de l’utilisateur d’un instrument de paiement. Elle est à rapprocher d’un autre arrêt remarqué rendu le 12 novembre 2020 (Cass.com, n°19-12.112), qui opérait un durcissement de la preuve que doit apporter le banquier désireux d’exonérer sa responsabilité en matière de phishing.
En l’espèce, un compte est ouvert par une personne physique auprès d’un établissement bancaire. Ce compte prévoit la mise à disposition d’une carte de paiement. Quelque temps plus tard, ce compte est débité de plusieurs sommes de source inconnue. Le client porte plainte pour le vol de sa carte bancaire et de ses instruments de paiement. Le compte s’étant retrouvé en solde débiteur, la banque assigne son client en paiement dudit solde. Mais le client refuse de payer, au motif que les opérations ayant entraîné le solde débiteur du compte sont dues au vol ayant fait l’objet d’une plainte.
Pour la Cour de cassation, il résulte des articles L. 133-19, IV, et L. 133-23, alinéa 1 du Code monétaire et financier que, s’il entend faire supporter à l’utilisateur d’un instrument de paiement doté d’un dispositif de sécurité personnalisé les pertes occasionnées par une opération de paiement non autorisée rendue possible par un manquement de cet utilisateur, intentionnel ou par négligence grave, le prestataire de services de paiement doit, au préalable, prouver que l’opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. Dès lors, la seule circonstance que le client aurait commis des négligences graves n’est pas suffisante.
Cette exigence de preuve de l’absence de déficience technique ou autre est un coup dur pour les établissements bancaires, qui doivent donc assumer la responsabilité d’opérations non autorisées même dans des cas de négligence commises par les clients.