Clause d’exclusion dans une SAS, promulgation d’une nouvelle loi pour accroître l’attractivité de la France, fermeture de l’accès au grand public du registre des bénéficiaires effectifs… Que faut-il retenir de l’actualité du droit des sociétés de juin 2024 ?
Table des matières
Promulgation de la loi Attractivité pour l’accroissement du financement des entreprises
La loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France a été promulguée le 13 juin dernier. Elle a pour objectif de favoriser la croissance des entreprises françaises de toute taille. L’auteur du texte explique ainsi que, si la France « est aujourd’hui la destination privilégiée en Europe de nombreux investisseurs internationaux et d’établissements financiers », il existe un « écart croissant en matière de financement des entreprises entre l’économie européenne et l’économie américaine ».
La dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024 n’aura pas eu d’incidence sur la promulgation de la loi, le Sénat ayant adopté le texte le 3 juin et l’Assemblée nationale le 5 juin.
Quelles sont donc les mesures prévues par la loi dite « Attractivité” ?
- Permettre aux fonds communs de placement à risques (FCPR) d’accompagner les entreprises cotées jusqu’à une capitalisation boursière de 500 millions d’euros (contre 150 millions d’euros auparavant) ;
- Assouplir les règles d’éligibilité des titres des entreprises au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises (PEA-PME) ;
- Favoriser les consultations et les réunions à distance des assemblées générales d’actionnaires et des organes de décision des sociétés commerciales ;
- Porter à 15 ans (contre 10 ans auparavant) le délai de blocage des porteurs de parts dans des FCPR, dans l’objectif de faciliter les investissements dans des PME et start-ups innovantes ;
- Faciliter les introductions en bourse des sociétés, en favorisant le développement des actions à droit de vote multiple, ce qui permet aux fondateurs de lever des fonds tout en conservant un plus grand contrôle de leur entreprise qu’avec des actions ordinaires ;
- Dématérialiser les titres transférables (lettres de change, billets à ordre…), pour faciliter la croissance à l’international des entreprises françaises ;
- Inscrire, dans le Code de l’organisation judiciaire, la spécialisation de la cour d’appel de Paris en matière d’arbitrage commercial international ;
- Plafonner les indemnités de licenciement des traders.
Enfin, la loi autorise l’exécutif à prendre des ordonnances pour réformer le cadre applicable aux organismes de placement collectif (OPC), simplifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés et créer un régime de fractionnement des instruments financiers.
Vers une fermeture prochaine de l’accès au registre des bénéficiaires effectifs
Depuis le 1er décembre 2016, en application de la réglementation européenne, le Code monétaire et financier impose aux sociétés françaises de déclarer au registre du commerce et des sociétés leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s), ceux-ci étant définis comme « la ou les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société ».
Aujourd’hui en France, les informations relatives aux bénéficiaires effectifs des sociétés, consignées dans un registre spécifique, sont publiques. Cela signifie que toute personne peut y avoir accès gratuitement, sans avoir à fournir un motif légitime, ni à justifier de son identité. Cet accès est effectif depuis l’année 2021.
Mais cet accès du grand public devrait prendre bientôt fin, dès la fin du mois de juillet 2024. Contrainte par une décision judiciaire européenne, la France va en effet fermer l’accès au grand public du registre des bénéficiaires effectifs.
De quoi, sans doute, porter un coup à la transparence financière, ce registre étant particulièrement utilisé par les journalistes qui enquêtent sur la corruption et les délits financiers.
L’action ut singuli est exclusivement réservée aux associées
L’action ut singuli est un dispositif légal qui permet aux associés d’une entreprise de rechercher la responsabilité des dirigeants sociaux. Elle s’oppose à l’action ut universi, qui désigne l’action en responsabilité engagée par les dirigeants de la société.
C’est sur cette question que s’est penchée la Cour de cassation le 20 juin dernier (Cass.civ, 20 juin 2024, n°23-10.571). Dans cette affaire, une société membre d’une association a assigné en réparation des préjudices subis le président de cette association ainsi que l’association elle-même, en invoquant des fautes de gestion.
Pour la Cour, la possibilité d’exercer l’action sociale ut singuli à l’encontre d’un dirigeant est réservée aux seuls membres de sociétés (elle rappelle ainsi un précédent arrêt rendu le 7 juillet 2022). Concernant les associations, les statuts déterminent librement les organes habilités à agir dans leur intérêt et, en l’absence d’une clause statutaire le prévoyant, aucun texte n’autorise leurs membres à exercer l’action ut singuli à l’encontre d’un dirigeant.
La Cour de cassation rejette donc le pourvoi intenté par l’association. Il convient donc de retenir de cet arrêt que l’action ut singuli est réservée aux seuls associés, les sociétaires n’en disposant pas.
Entreprise en redressement judiciaire : jusqu’à quand peut-elle régler ses loyers impayés ?
Lorsqu’une société est mise en redressement judiciaire, son bailleur commercial peut demander la résiliation de plein droit du bail.
Dans l’affaire jugée par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 juin dernier (Cass.com, n°22-24.177), un bailleur avait saisi le juge-commissaire d’une demande de constatation de la résiliation de plein droit du bail, suite à la mise en redressement judiciaire de la société X. Or, la société preneuse avait payé les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, le paiement ayant été reçu le lendemain par le bailleur, qui, le même jour, avait saisi le juge-commissaire.
La solution rendue par la Cour de cassation est claire : la créance de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective est éteinte pour avoir été acquittée par le preneur, et la requête du bailleur doit à ce titre être rejetée.
Pour rendre sa solution, elle se fonde sur l’article L. 622-14, 2° du Code de commerce :
“[…] Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement.
Si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration de ce délai, il n’y a pas lieu à résiliation.”
À la demande du bailleur, une entreprise en redressement judiciaire peut donc voir son bail résilié pour loyers impayés. Cependant, elle a la possibilité de régler sa dette jusqu’au jour où le juge-commissaire statue en la matière, ce qui lui permet ainsi d’éviter la résiliation.