Détricotement de la directive CSRD, publication de la circulaire sur la contribution pour la justice économique, jurisprudence relative aux sociétés à capital variable… On fait le point sur les actualités du mois de février en droit des sociétés.
Table des matières
Société à capital variable : l’associé est libéré de ses obligations lorsqu’il notifie son retrait
L’associé qui se retire d’une société à capital variable continue-t-il d’être soumis à ses obligations nées de sa qualité d’associé, même si ce retrait a pour effet de porter le capital social en dessous du minimum statutaire ?
C’est la question à laquelle la chambre commerciale de la Cour de cassation avait à répondre, le 18 décembre dernier.
En l’espèce, deux associés d’une société à capital variable notifient leur volonté de se retirer de la société. Ils demandent le remboursement de leurs parts. La société refuse, au motif que cela aurait pour effet de réduire le capital social à un montant inférieur au seuil établi par les statuts.
Les associés sont d’abord condamnés en appel à payer certaines sommes au titre de factures émises postérieurement à leur retrait, la Cour ayant jugé que les effets du retrait sont différés au jour où le montant minimal du capital social prévu par les statuts est atteint.
Mais la Cour de cassation s’inscrit en faux. Dans son arrêt (Cass.com, 18/12/2024, n°23-10.695), elle juge ainsi que le retrait d’un associé d’une société à capital variable qui a pour effet de porter le capital en dessous du minimum statutaire n’emporte qu’une seule restriction : l’incapacité de l’associé à reprendre ses apports tant que le montant minimal du capital social n’a pas été atteint. L’associé cesse donc d’être soumis aux obligations qui découlent de sa qualité à compter de son retrait, indépendamment de la date à laquelle les conditions de la reprise de son apport sont satisfaites.
Bail commercial et clause d’indexation non écrite : calcul de la créance de restitution des trop-perçus de loyer
Dans le cadre d’un bail commercial, une société locataire s’est vu notifier des commandements de payer ainsi qu’un congé sans offre de renouvellement ni indemnité d’éviction. Elle a dès lors contesté la validité de la clause d’indexation du bail, demandant qu’elle soit réputée non écrite et sollicitant la restitution des sommes indûment versées.
Pour rappel, l’article L. 145-15 du Code de commerce dispose que sont réputées non écrites les clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions protectrices du bail commercial. Dès lors, une clause d’indexation qui, par exemple, ne fonctionnerait que sur un principe de hausse, est irrégulière et réputée non écrite.
En l’espèce, la Cour d’appel a fait droit à la demande du requérant, en déclarant la clause d’indexation non écrite et en ordonnant le remboursement des trop-perçus.
Mais son raisonnement (elle avait retenu comme base de calcul le loyer acquitté à la date du début de la prescription quinquennale) a été censuré par la Cour de cassation. Dans un arrêt rendu le 23 janvier 2025 (Cass.Civ, 23/01/2025, n° 23-18.643), elle a rappelé que la créance de restitution devait être calculée sur la base du loyer qui aurait été dû en l’absence de la clause litigieuse.
A noter : Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’action qui vise à déclarer non écrite une clause du bail commercial n’est soumise à aucun délai de prescription (Cass. 3e Civ., 16 nov. 2023, n° 22-14.091). Ainsi, le locataire peut solliciter la suppression d’une clause irrégulière à tout moment. Il est fondé à demander le paiement des sommes indûment versées au cours des cinq ans précédant sa demande en justice.
Directive CSRD : vers une simplification des obligations des entreprises ?
Le 26 février dernier, la Commission européenne a adopté un ensemble de propositions appelé « paquet Omnibus », qui vise entre autres à réformer et simplifier la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Va-t-on assister à un allégement des contraintes qui pèsent sur les entreprises ?
Petit rappel : la CSRD a été adoptée par la Commission européenne en 2021, avant d’entrer en vigueur dans notre droit français le 1er janvier 2024. Son objectif est d’harmoniser le reporting extra-financier réalisé par les entreprises dans l’UE, tout en s’alignant sur le Pacte Vert européen qui rend juridiquement contraignant l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Le paquet Omnibus fait suite au rapport Draghi, qui préconisait la simplification des réglementations sociales et environnementales européennes pour favoriser la compétitivité. Les normes et obligations établies par la CSRD pourraient donc bien être détricotées, ce qui signifierait pour les entreprises une simplification de leurs contraintes administratives. Dans le détail, voici ce qui devrait changer :
- Seules les entreprises de plus de 1000 salariés, réalisant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros et/ou un bilan de plus de 25 millions d’euros seraient désormais concernées par la directive. 80% des entreprises sortiraient ainsi de son champ d’application.
- Les exigences du reporting pourraient également être réduites, avec un décalage de 2 ans (jusqu’en 2028) pour les entreprises actuellement dans le champ d’application du CSRD et tenues de produire un rapport à partir de 2026 ou 2027.
- Les normes ESRS devraient être révisées par l’Efrag, afin de limiter le nombre de points de données.
- Enfin, la directive CS3D sur le devoir de vigilance serait reportée d’un an pour revenir dans un format plus « accessible ».
Avant d’entrer en vigueur, ces propositions législatives doivent encore être adoptées par le Parlement et le Conseil européens.
Loi de finances 2025 : quelles sont les mesures qui concernent les entreprises ?
Après s’être longtemps fait attendre, la loi de finances pour 2025 a été publiée au Journal officiel du 15 février 2025. Elle prévoit de redresser les comptes publics de 50 milliards d’euros et de ramener le déficit public à 5,4% du PIB en 2025.
Voici, dans cet objectif, les principales mesures qui intéressent les entreprises :
- Mise en place d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises : cette contribution, instituée pour un an, est due par les redevables de l’IS qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 milliard d’euros. Son taux est de 20,6 % pour les entreprises qui réalisent entre 1 et 3 milliards de CA, et de 41,2 % pour celles qui réalisent plus de 3 milliards de CA.
- Création d’une taxe sur le rachat de titres par les grandes entreprises : cette nouvelle taxe est due par les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires individuel ou consolidé de plus d’1 milliard d’euros. Elle est égale à 8% de la somme de la réduction de capital et de la fraction des primes liées au capital, déterminée comme le rapport entre la réduction du capital et le capital lui-même. Elle s’applique à toutes les opérations réalisées à compter du 1er mars 2025.
- Report de la suppression de la CVAE : les taux d’imposition seront abaissés progressivement à compter de 2026. La CVAE sera totalement supprimée en 2030, au lieu de 2027. A noter la mise en place d’une contribution complémentaire à la CVAE, seulement pour l’année 2025, qui concerne les entreprises redevables de la CVAE. Elle s’élève à 47,4 % de la CVAE.
- Rehaussement de 0,3 à 0,4 % du taux de la taxe sur les transactions financières : cette mesure prendra effet à compter du 1er avril 2025.
Enfin, à noter également :
- L’instauration d’un régime fiscal spécifique pour les gains de management packages ;
- L’aménagement du régime des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE).
Contribution pour la justice économique : la circulaire a été publiée
C’est désormais chose faite : la circulaire qui détaille les modalités d’application de la contribution pour la justice économique a été publiée au Bulletin officiel le 10 février 2025.
Pour rappel, cette contribution a été mise en place par la loi du 20 novembre 2023 et le décret du 30 décembre 2024, dans le sillage de la transformation des 12 tribunaux de commerce en tribunaux des activités économiques (TAE). Ainsi, depuis le 1er janvier 2025, les tribunaux de commerce suivants sont devenus des TAE : Marseille, Paris, Lyon, Le Mans, Limoges, Nancy, Avignon, Auxerre, Saint-Brieuc, Le Havre, Nanterre et Versailles. Cette expérimentation d’une durée de 4 ans s’accompagne de la mise en place d’une contribution pour la justice économique, due par les demandeurs lors de l’introduction de l’instance.
Cette contribution pour la justice économique est calculée selon un barème défini par le décret du 30 décembre 2024. Elle correspond à un pourcentage de la valeur des prétentions initiales allant de 1 à 5%, avec un maximum de 100 000 €. Elle dépend du montant des demandes, de la nature du litige et de la situation financière du demandeur, appréciée en fonction de son chiffre d’affaires annuel moyen sur les trois dernières années, de ses bénéfices ou de son revenu fiscal de référence.
Le paiement est obligatoire pour la recevabilité de la demande. Si le défendeur est condamné aux dépens, il doit rembourser la contribution. Enfin, celle-ci est remboursée en cas d’accord amiable mettant fin au litige (ex : conclusion d’une transaction).
Qui est concerné par le paiement de cette contribution ? Il s’agit des personnes physiques ou morales de droit privé qui emploient au moins 250 salariés et saisissent le tribunal d’une demande initiale dont la valeur est supérieure à 50 000 €. A noter que certaines demandes sont exemptées, comme celles qui sont liées aux procédures amiables ou collectives.