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Droit des sociétés : textes et actualités de décembre 2024

Deux arrêts de la Cour de cassation publiés au Bulletin, la publication du troisième diagnostic national de l’Agence française anticorruption… Que retenir de l’actualité du droit des sociétés du mois de décembre 2024 ?

Table des matières

Annulation d’une location financière et indemnité de jouissance

Dans un arrêt rendu le 11 décembre 2024 par la chambre commerciale, publié au Bulletin, la Cour de cassation rappelle que le juge ne peut refuser d’indemniser un préjudice en se fondant sur l’insuffisance des preuves fournies par les parties en matière d’annulation d’un contrat de location.

Les faits étaient les suivants : en janvier 2015, deux sociétés concluent un contrat de location financière concernant des photocopieurs. La société preneuse décide ensuite d’assigner ses différents cocontractants en nullité des bons de commandes, mais également de la location financière conclue.

La convention de location est alors annulée. En premier lieu, les juges du fond refusent d’octroyer une indemnité de jouissance au profit du bailleur, au motif que la demande « n’était pas explicitée en son quantum ni assortie d’explications suffisantes ». La société déboutée se pourvoit en cassation, résolue à montrer que ce raisonnement n’est pas justifié en droit, le juge devant fixer une telle indemnité quand il en reconnaît le principe.

Dans son arrêt rendu le 11 décembre dernier, la Cour de cassation fait droit à sa demande. L’article 4 du code civil dispose en effet que “Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice”. En application de ce texte, le juge ne peut refuser d’indemniser un préjudice, certain dans son principe, en se fondant sur l’insuffisance des preuves fournies par les parties.

Une solution qui s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Devoir de mise en garde du banquier et clause pénale : la position de la Cour de cassation

Autre arrêt rendu le 11 décembre 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, lui aussi publié au Bulletin : cette fois-ci, il concerne l’octroi d’un prêt bancaire dont l’emprunteur ne parvient pas à payer les échéances.

Les faits débutent par la conclusion de deux prêts entre un établissement bancaire et une société. Une clause pénale est insérée dans chacun des contrats pour fixer le montant des indemnités forfaitaires de recouvrement. L’opération est par ailleurs garantie par le cautionnement solidaire d’une personne physique. Mais la société débitrice se montre défaillante en cours d’exécution du contrat, et la banque l’assigne, ainsi que la caution solidaire, en paiement. Par la suite, la société débitrice est placée en liquidation judiciaire.

Dans le procès qui l’oppose à son créancier, celle-ci fait valoir le fait que l’établissement bancaire a manqué à son devoir de mise en garde, en ne se renseignant pas sur la faisabilité du projet financé par les prêts ou sur le risque d’endettement consécutif à leur octroi. Elle obtient gain de cause et la clause pénale est réduite par la Cour d’appel. Par ailleurs, le cautionnement est jugé disproportionné par les juges du fond, qui s’appuient sur les données de la fiche de renseignements signée par le garant. La banque se pourvoit alors en cassation.

La Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel. En effet, il résulte de l’article 1231-1 du code civil que l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non-averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi, et non sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée.

Par ailleurs, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. La disproportion de cet engagement doit s’apprécier au regard de ses biens et revenus, y compris les parts qu’elle détient dans le capital de la société cautionnée, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Tribunal des affaires économiques de Paris : entrée en vigueur d’un nouveau protocole 

Dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, une expérimentation a été lancée pour 4 ans dès 2025. Douze tribunaux de commerce ont été désignés pour devenir des tribunaux des activités économiques (TAE), dont le tribunal de commerce de Paris. Les compétences de ces derniers ont trait aux procédures amiables et collectives.

Le 19 décembre 2024, un nouveau protocole portant réforme de la procédure au tribunal des activités économiques de Paris a été signé. L’objectif est de fluidifier l’introduction et la mise en état des contentieux au fond pour en raccourcir autant que possible la durée moyenne, qui est actuellement de dix mois.

Ce nouveau protocole, dont la mise en œuvre doit s’échelonner entre le mois de janvier et le printemps 2025, est le fruit de six mois de travail collaboratif entre le barreau, le greffe et le tribunal de commerce. La procédure mise en place prévoit notamment que, dès l’introduction de l’affaire, les parties se voient proposer un mode amiable de résolution du litige. En l’absence de conciliation, les parties seront dispensées de se présenter aux audiences ultérieures de mise en l’état, et le tribunal fixera en principe un calendrier des échanges pour renvoi de l’affaire. Pour les affaires simples, le calendrier sera fixé sur 15 semaines ; pour les affaires plus complexes, il pourra être étendu à 21 semaines.

Quant aux affaires considérées comme urgentes, elles seront directement introduites dans la chambre désignée par l’ordonnance afin de bénéficier d’un circuit court.

Etude de l’Agence française anticorruption : quel est le profil des condamnés pour corruption ?

L’Agence française anticorruption (AFA) a publié le 9 décembre dernier une étude portant sur 504 décisions de justices rendues en 2021 et 2022 dans des affaires de corruption. Que nous apprend donc ce “diagnostic national”, troisième du genre ?

Première information à retenir : la corruption est l’incrimination pénale la plus représentée (36,9 % des infractions, présente dans 29,2 % des affaires). Il peut s’agir de corruption active ou de corruption passive. Le détournement de fonds ou de biens publics représente 22,1 % des infractions, ce qui constitue la seconde infraction pénale la plus représentée. Il est suivi par le favoritisme et la prise illégale d’intérêts.

Les prévenus sont majoritairement des agents publics (30 %), suivis par les dirigeants de société (23 %). Les particuliers complètent la liste (18 %), ainsi que les élus (12 %), les salariés (10 %), les personnes morales de droit privé (5 %) et enfin les personnes morales de droit public (2 %). On observe par ailleurs une répartition genrée : ainsi, 79,7% des prévenus sont des hommes, contre 20,3% de femmes.

Certains territoires sont surreprésentés, en premier lieu les territoires et départements d’outre-mer, la Corse, la Provence-Alpes-Côte d’Azur et la région Île-de-France.

Les faits de corruption impliquent, pour moitié, plusieurs personnes. 50 % des affaires incriminent ainsi plus d’un prévenu. Les collectivités territoriales concentrent près de la moitié des décisions de justice impliquant le secteur public. Pour ce qui est du secteur privé, les secteurs des activités spécialisées, scientifiques et techniques (15,4 %) et de la construction (14,5 % des décisions) font partie des secteurs les plus exposés aux pratiques corruptives. Dans les décisions de justice analysées, les versements de pots-de-vin ou l’attribution de cadeaux en échange de l’acquisition de logements sont les pratiques les plus récurrentes.

Autre fait à retenir : les secteurs privés les plus concernés par les atteintes à la probité sont, bien souvent, des secteurs avec une forte interpénétration public/privé.

Cession et valorisation d’actions : quelles sont les obligations de communication des documents sociaux ?

Dans cette affaire jugée le 27 novembre dernier par la Cour de cassation, un actionnaire avait démissionné de ses fonctions dans une société dont il détenait 43 % des actions. Conformément aux statuts, le prix de ses actions avait été fixé par une décision collective des associés.

Pour contester le montant de ses actions, l’actionnaire sortant avait obtenu la désignation d’un expert chargé d’en évaluer la valeur. L’expert avait alors demandé la communication des comptes sociaux, mais la société et son principal actionnaire avaient refusé. L’actionnaire sortant les avait alors assignés en référé pour obtenir la production de ces documents.

Saisie de l’affaire, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles 873 du Code de procédure civile et 1843-4 du Code civil que, dans l’hypothèse où les statuts ou toute convention liant les parties ne déterminent pas les règles portant sur la revalorisation des droits sociaux, mais en prévoient seulement les modalités, une partie peut se voir enjointe, en référé, de communiquer toute pièce que l’expert indique comme étant nécessaire à la bonne exécution de sa mission. La société aurait donc dû communiquer ses comptes sociaux, comme il le lui avait été demandé.

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