Céder un fonds de commerce est une opération délicate qui implique bien plus que la simple vente de matériel. Elle comprend le transfert d’actifs intangibles et d’actifs corporels. Pour réussir cette procédure, il est essentiel de suivre un processus structuré et de respecter les exigences légales.
Ce guide vous accompagne à travers les étapes clés de la cession, des vérifications préalables aux formalités finales, pour assurer une cession fluide et conforme.
Comprendre les enjeux de la cession de fonds de commerce
La cession de fonds de commerce en détail
La cession de fonds de commerce est l’opération par laquelle un cédant transfère à un cessionnaire l’ensemble des éléments constitutifs de son activité. Ce type de transaction est strictement encadré par la loi afin de protéger les parties en présence. Un acte de cession écrit doit être établi.
Le fonds de commerce regroupe les éléments corporels (comme le matériel et le mobilier) et incorporels (tels que la clientèle, le droit au bail, d’éventuels droits de propriété…) nécessaires à l’exploitation d’une activité.
Certains éléments ne font pas partie d’une cession de fonds de commerce. Parmi eux, nous pouvons citer les stocks de marchandises, les créances et dettes, certains types de contrats et le local commercial.
Bon à savoir : A l’ère du numérique, la vente d’un fonds de commerce peut également intégrer la transmission d’actifs numériques comme le nom de domaine, le site internet ou encore les comptes sur les réseaux sociaux.
Bien que formé d’éléments distincts, le fonds de commerce est une entité juridique autonome, qui persiste même en cas de modification de sa composition. Il peut faire l’objet de nombreuses opérations juridiques, telles que la vente, le nantissement ou l’apport en société.
La cession de fonds de commerce en 2024
En 2023, le marché des rachats de fonds de commerce a connu un léger recul, avec une diminution de 2,5 % des transactions, passant de 31 700 à 30 920 opérations.
Malgré ce recul, les prix ont continué à grimper, atteignant un nouveau record moyen de 244 000 €, soutenus par la hausse des prix dans certains secteurs, notamment les supermarchés qui ont franchi le cap du million d’euros. Les secteurs de la restauration et des cafés montrent des signes de stabilité ou de baisse, tandis que les supermarchés et les concessionnaires automobiles enregistrent une croissance notable.
Les perspectives pour début 2024 indiquent un léger rebond de l’activité, avec une hausse de 2 % des transactions au cours des trois premiers mois.
Les points à vérifier par le cédant avant la cession
Le droit de préemption
Avant de céder un fonds de commerce, le cédant doit effectuer quelques vérifications. Si le fonds de commerce est situé dans une zone dite de « sauvegarde des commerces et de l’artisanat de proximité », la commune peut exercer un droit prioritaire d’achat et racheter le fonds avant tout autre acquéreur.
Dans ce cas, le cédant doit adresser une déclaration préalable de cession au maire avant de débuter l’opération.
L’information des salariés
Pour les entreprises de moins de 250 salariés, il est obligatoire d’informer les employés de la vente du fonds de commerce et de leur possibilité de faire une offre d’achat. À partir de 250 salariés, cette obligation disparaît.
L’information doit être transmise de manière à garantir la preuve de réception. Cela peut par exemple se faire par réunion d’information avec registre de présence, par affichage avec registre daté ou encore par remise en main propre contre un récépissé.
Les salariés doivent être informés au moins 2 mois avant la vente. L’employeur est libre d’accepter ou non une offre, sans obligation de justification.
En cas de manquement à cette obligation, les salariés peuvent demander réparation à hauteur de 2 % du prix de vente.
Les salariés sont également tenus à une obligation de discrétion, dont la violation peut entraîner des sanctions, y compris le licenciement.
L’accord du conjoint
Lorsque le cédant est marié sous un régime de communauté de biens et que le fonds de commerce appartient à la communauté, il doit obtenir l’accord préalable de son conjoint pour procéder à la cession du fonds de commerce.
Sans ce consentement, le conjoint peut demander l’annulation de la transaction.
Quelles formalités lors de la cession d’un fonds de commerce ?
L’immatriculation au RCS
Avant la cession du fonds de commerce, si l’acquéreur personne physique ou morale n’est pas immatriculé, il est nécessaire de procéder à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), sauf si la cession se fait avec faculté de substitution.
Le dépôt d’un dossier d’immatriculation s’effectue auprès du Guichet unique des entreprises.
Cette procédure vise à conférer une existence juridique à l’entreprise et à la rendre visible aux tiers. L’immatriculation garantit également la transparence et l’accès à des informations essentielles sur l’entreprise pour les partenaires commerciaux, les clients, et les administrations.
La rédaction de l’acte de cession
Cession de fonds de commerce, les formalités : depuis l’abrogation de l’article L 141-1 du Code de commerce par la loi du 19 juillet 2019, le contenu de l’acte de vente est libre.
Toutefois, il est recommandé à l’acheteur de demander au vendeur d’y inclure les informations prévues par l’ancien texte afin de prévenir d’éventuels litiges concernant le fonds de commerce. Il peut par exemple s’agir du chiffre d’affaires et les résultats d’exploitation des trois derniers exercices, des conditions du bail ou encore des informations sur le précédent vendeur.
Pour minimiser les risques de litige, il est conseillé de faire appel à un professionnel, tel qu’un avocat spécialisé ou un notaire.
Ces experts possèdent l’expertise nécessaire pour rédiger un acte conforme, en tenant compte des spécificités du fonds de commerce.
Un professionnel pourra également anticiper et résoudre les éventuelles complexités juridiques, et s’assurer que les intérêts des parties sont protégés.
L’enregistrement de l’acte de cession
La déclaration d’enregistrement
L’acte de cession doit être enregistré auprès du service des impôts de la situation du fonds vendu, par l’acquéreur et à ses frais.
Si l’acte est authentique, l’enregistrement doit être effectué dans un délai d’un mois suivant la signature de la vente. En revanche, pour un acte sous seing privé, le délai est réduit à moins de 15 jours.
Pour procéder à l’enregistrement, plusieurs documents doivent être transmis :
- l’acte de cession du fonds de commerce ;
- le formulaire de déclaration de mutation de fonds de commerce ;
- le formulaire de déclaration de l’état du matériel et des marchandises cédées ;
- le règlement des droits d’enregistrement (en espèces jusqu’à 300 €, par chèque ou par virement)
Le paiement des droits d’enregistrement
Les droits d’enregistrement sont déterminés en fonction du prix de vente et selon les taux suivants :
- 0 % pour la tranche jusqu’à 23 000 € ;
- 3 % pour la tranche entre 23 001 € et 200 000 € ;
- 5 % pour les montants au-delà de 200 000 €.
Un minimum de 25 € est exigé pour les droits d’enregistrement.
En principe, ces frais sont à la charge du cessionnaire. Toutefois, il est possible de les partager entre le cessionnaire et le cédant, ou que le cédant les assume en totalité. Les parties peuvent choisir.
Bon à savoir : Si la cession du fonds de commerce comprend des marchandises neuves, celles-ci peuvent être exonérées de droits d’enregistrement (article 723 du Code général des impôts).
Les formalités de publicité
Cession de fonds de commerce : les formalités de publicité sont essentielles pour rendre la cession opposable aux tiers.
La déclaration dans un support d’annonces légales
L’acte de cession doit être publié dans un support d’annonces légales dans les 15 jours suivant la signature de la vente. Pour un acte sous signature privée, cette publication doit être précédée de son enregistrement auprès du service fiscal. En revanche, l’acte authentique peut être publié avant cet enregistrement.
L’annonce doit inclure certaines mentions obligatoires telles que :
- la date de l’acte de cession ;
- les noms, prénoms et domiciles du cédant et du cessionnaire ;
- la nature et l’emplacement du fonds ;
- le prix de vente avec répartition entre biens corporels et incorporels.
La publication au Bodacc
Dans les 3 jours suivant la publication dans un support d’annonces légales et dans les 15 jours de la vente, le repreneur doit demander au greffier du tribunal de commerce de publier un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc).
A noter : Cette publication fait courir le délai légal d’opposition des créanciers.
La mise sous séquestre du prix de cession
Pour sécuriser la transaction de cession, le prix de vente est temporairement conservé par un séquestre désigné par la justice ou convenu entre les parties, tel qu’un avocat ou un notaire. Cette mesure de séquestre, d’une durée de 105 jours à partir de la date de la vente, vise à garantir le versement ou la restitution du montant.
Ce séquestre permet à l’administration fiscale et aux créanciers de réclamer les sommes qui leur sont dues avant la cession.
Les frais et honoraires liés au séquestre sont généralement à la charge du cessionnaire, sauf disposition contraire dans l’acte de vente.
Les formalités pour le cédant et le cessionnaire
Les formalités pour le cédant
Le transfert de siège social ou d’établissement
Lorsque le siège social de l’entreprise est affecté par la cession du fonds de commerce, un transfert de siège social ou la fermeture d’un établissement principal ou secondaire peut être nécessaire.
Cette décision doit être validée en assemblée générale et donner lieu au dépôt d’un dossier auprès du registre du commerce et des sociétés (RCS).
La dissolution et la liquidation de la société
Si la cession du fonds de commerce constitue la seule activité de l’entreprise et que le cédant souhaite mettre fin à son activité, il peut opter pour la dissolution et la liquidation de la société.
Cette décision doit également être prise lors d’une assemblée générale et donner lieu à une radiation du RCS.
La clôture des comptes et la régularisation fiscale
Le cédant doit également s’assurer de la clôture des comptes et de la régularisation des obligations fiscales. Cela inclut la déclaration des bénéfices réalisés jusqu’à la cession, le paiement de la TVA, le cas échéant, et la gestion de l’impôt sur les plus-values de cession.
Les formalités pour le cessionnaire
La prise d’activité pour les sociétés sans activité préalable
Si le cessionnaire est une société qui a été immatriculée sans activité, la prise d’activité devient nécessaire avec l’acquisition du fonds de commerce. Cette formalité implique la mise à jour des statuts et le dépôt de la modification auprès du greffe du tribunal de commerce.
Cette étape est essentielle pour que la société puisse commencer à exploiter le fonds.
La modification de l’objet social
Si l’acquisition du fonds de commerce introduit une nouvelle activité qui n’est pas prévue dans l’objet social initial de la société, le cessionnaire doit procéder à une modification de l’objet social.
Cette modification doit être approuvée en assemblée et déclarée au greffe du tribunal de commerce.
L’ouverture d’un nouvel établissement
En cas d’acquisition d’un fonds de commerce, le cessionnaire peut être amené à déclarer l’ouverture d’un nouvel établissement.
Cette formalité se fait auprès du RCS et implique la mise à jour des informations de la société.
Cession de fonds de commerce = modification statutaire ?
Quelles formalités lors de la cession d’un fonds de commerce ? Est-ce que la cession d’un fonds de commerce entraîne automatiquement la modification des statuts d’une société ? La réponse est non. La cession d’un fonds de commerce par une société ne requiert pas systématiquement la modification de ses statuts, à condition que cette cession ne fasse pas disparaître l’objet social de la société.
Dans un arrêt du 13 mars 2024, la Cour de cassation a affirmé que si la cession du fonds de commerce n’empêche pas la société de poursuivre la réalisation de son objet social, alors il n’est pas nécessaire de solliciter une modification de cet objet par l’assemblée générale extraordinaire.
La décision de la Cour de cassation a annulé la décision de la cour d’appel, qui avait exigé une modification statutaire en raison de la cession du fonds de commerce, considérant à tort que cette cession entraînait une extinction de l’objet social.
La cession d’un fonds de commerce est une opération complexe qui nécessite une attention particulière à chaque étape, des vérifications préalables aux formalités finales.
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