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Actes conclus en période de formation d’une société : applications du revirement jurisprudentiel

Les actes conclus en période de formation d’une société sont un sujet récurrent de débat juridique. Ces actes, souvent essentiels pour préparer l’activité future de l’entreprise, posent toutefois des problèmes de reprise et de responsabilité. La jurisprudence a longtemps exigé des mentions spécifiques pour qu’un acte conclu avant l’immatriculation soit repris par la société. Cependant, un revirement jurisprudentiel initié en 2023, suivi de précisions importantes en 2024, apporte une nouvelle souplesse à ce domaine, en privilégiant l’intention des parties et les circonstances factuelles. Cet article revient sur ces évolutions majeures et leurs implications.

Table des matières

Les principes fondamentaux avant le revirement jurisprudentiel

Le régime classique : mention expresse obligatoire

Comme le prévoient le Code de commerce (article L. 210-6) et le Code civil (article 1843), si l’acte n’est pas considéré comme pouvant être repris par la société en formation c’est le fondateur ayant été partie à l’acte qui sera tenu des engagements nés de cet acte. Il est donc primordial pour l’associé de la société en formation de s’assurer de respecter le formalisme nécessaire à la reprise des actes conclus pour le compte de la société en formation.

Jusqu’au revirement de 2023, les règles concernant la reprise des actes conclus avant l’immatriculation d’une société étaient strictes. Pour être valablement repris par la société après son immatriculation, un acte devait explicitement mentionner qu’il avait été conclu au nom et/ou pour son compte. Cette condition stricte découlait de la nécessité d’assurer la sécurité juridique des parties.

 

La reprise automatique encadrée

En plus de la mention expresse indiquant que l’acte a été passé au nom et pour le compte de la société en formation, il y avait reprise automatique de l’acte par la société dans deux cas : 

  • Lorsqu’un mandat explicite a été donné par les associés avant l’immatriculation.
  • Lorsque l’acte est annexé aux statuts ou à une décision collective des associés avant l’immatriculation.

En dehors de ces deux hypothèses, tout autre acte nécessitait une décision postérieure à l’immatriculation, adoptée à la majorité, pour être repris.

Le revirement jurisprudentiel de 2023

Un nouveau principe basé sur l’intention commune

Le 29 novembre 2023, la Cour de cassation opère un revirement en déclarant qu’un acte conclu avant l’immatriculation peut être repris par la société, même en l’absence de mention explicite, si la commune intention des parties était de conclure cet acte pour le compte de la société en formation. Ce principe repose sur une approche factuelle : l’analyse de l’ensemble des circonstances pour déterminer l’intention commune.

 

Les décisions marquantes

Les arrêts du 29 novembre 2023 (Cass. com., n° 22-12.865 et n° 22-18.295) établissent un précédent en écartant l’exigence de mention expresse. La Haute Juridiction juge que la priorité doit être donnée à la volonté réelle des parties et non à une formalité stricte, élargissant ainsi les possibilités de reprise.

Les applications concrètes en 2024 : les arrêts d’octobre

Les arrêts du 9 et 17 octobre 2024

Ces arrêts précisent l’application du revirement. Ils illustrent des cas pratiques où la reprise d’actes en période de formation a été validée :

  • Affaire n° 23-12.401 : Une lettre de mission pour une prestation de conseil, signée par le fondateur, a été reprise par la société. La Cour considère que l’intention commune était manifeste, même en l’absence de mention expresse.
  • Affaire n° 22-21.616 : Un acte de vente conclu pour le compte d’une société en formation a été repris automatiquement, la Cour ayant constaté que les statuts prévoyaient une telle disposition.

 

L’importance des circonstances factuelles

Ces décisions montrent que les juges peuvent désormais examiner tous les éléments de contexte (statuts, comportement des parties, correspondances, etc.) pour déterminer l’intention commune. Cela place une responsabilité accrue sur les parties pour documenter clairement leurs accords.

Evolution historique et perspectives futures

Une jurisprudence plus souple mais exigeante

Le revirement de 2023 et ses applications en 2024 marquent une évolution vers davantage de flexibilité. Cependant, cette souplesse impose aussi des exigences : les parties doivent s’assurer que leur intention commune est suffisamment documentée pour éviter tout litige.

 

Les implications pour les fondateurs

Pour que la reprise de l’acte passé soit effective, les associés fondateurs doivent toujours soit agir au nom d’un mandat de la société, soit annexer aux statuts un état des actes accomplis pour la société en formation. Ce qui change c’est bien la mention sur l’acte passé pour la société, qui ne doit plus expressément indiquer que l’acte a été passé au nom et pour le compte de la société en formation.

Pour les fondateurs, ces décisions rappellent l’importance d’établir des documents clairs et de conserver des preuves écrites de leurs intentions, tant entre associés, qu’avec leurs co-contractants.

 

Une réflexion à long terme

Ce changement peut encourager une meilleure collaboration entre juristes et praticiens. En facilitant la reprise d’actes, il réduit les obstacles administratifs pour les entreprises en formation, tout en maintenant un cadre sécurisé pour les parties prenantes.

Le revirement jurisprudentiel sur la reprise des actes conclus en période de formation d’une société, initié en 2023 et clarifié en 2024, est une avancée pour le droit des sociétés. En privilégiant l’intention des parties plutôt que des mentions expresses à l’acte, le formalisme semble allégé. Cependant si ces décisions renforcent la souplesse du cadre juridique, elles rappellent également que la sécurité juridique repose avant tout sur la clarté et la transparence des accords entre les parties.

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